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Blog'n Rock

30 août 2013

Daft Punk - "Random Access Memories" (2013)

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S'il y a une chose que j'admire par dessus tout chez Daft Punk, c'est leur capacité à se renouveler de fond en comble à chaque nouvel album, et surtout, leur faculté, grâce à ce renouvellement permanent, à mettre tout le monde dans leur poche petit à petit. C'est que notre robotique duo français a toujours su manier, très naturellement, le juste milieu parfait entre talent artistique et talent commercial, et chaque nouveau projet du groupe ouvre un nouveau chapitre de leur conquête du monde. Lorsqu'ils débarquent en 1997 avec Homework et ses Da Funk ou autres Around The World, ils foutent d'entrée une branlée au monde de l'électro/dance et d'une certaine hype. Puis quatre ans après, avec Discovery, tout en conservant le public du premier album, le côté pop FM de One More Time (une grosse daube, qui plus est) leur met dans la poche le grand public, celui qui ne se tient pas forcément au courant de l'évolution de la musique et qui n'en avait pas grand chose à faire des Punk Idiots jusque-là. Human After All, enfin, et son concept de déshumanisation de la musique, montre les grandes ambitions du groupe à des amateurs de musique plus expérimentale, qui ne brosse pas l'auditeur dans le sens du poil. Et puis, à part une BO déjà oubliée, plus rien. Trois chapitres, Daft Punk a conquis la planète. S'en aller là-dessus ? Non. Guy-Man et Thomas Bangalter se heurtent à un problème de taille: ils n'y arrivent plus. Le risque de se mettre tout le monde dans la poche, et de ne vouloir décevoir personne. Complexe. Mais le génie de la symbiose artisticommerciale des Daft Punk frappe encore. Il ne s'endort jamais. On va mettre une batterie là-dessus, une vraie. Oh, et une basse. Et une guitare. Et on va faire venir Nile Rodgers, la légende du funk. Pharell Williams, pour le guest hip-hop intelligent et éclectique, du type qui sait réunir tout le monde aussi. Giorgio Moroder, notre précurseur. Paul Williams, ça fera plaisir aux nostalgiques pop 70's, et nous fera venir par ailleurs un public sans doute plus âgé. Panda Bear, pour garder la hype. Julian Casablancas, rock'n'roll baby ! Et allez, Chilly Gonzales, ce pianiste génial que tout le monde admire mais que personne ne connaît vraiment. On va mélanger tout ça à une promo mystérieuse faisant en sorte que les mélomanes de tous genres, même ceux qui ne nous aimaient pas à la base, commencent à se dire "putain, il va être intéressant cet album !". Les critiques en chaleur: c'est géniaaaaaaal ! Une pochette classe. Enfin, un gros tube bien accrocheur, du genre planétaire. Et c'est torché. Jackpot, Guy-Man. Mais oui, Thomas.

Random Access Memories.

Pareil chef d'oeuvre de business laisse pantois. Tout a été calculé pour que Daft Punk règne à nouveau sur la Terre entière. Prenez ce single, par exemple, Get Lucky, avec Nile Rodgers et Pharell Williams (lequel, entre cette chanson et Blurred Lines de Robin Thicke, a tout compris à l'art du comment garder un portefeuille garni en vacances). Le riff instantané, où l'on reconnaît tout de suite la patte de son auteur, ce refrain qui accroche du feu de Dieu et se retient facilement. Une phrase que l'on retient immédiatement aussi, I'm up all night to get lucky, que tout le monde peut fredonner, symbole de la gloire. Daft Punk a tout compris à la recette du tube en 2013. En plus d'être une arme de guerre commercialement, Get Lucky est d'une grande qualité musicale, un peu pour les mêmes raisons finalement. Riff, refrain. Ah, bien sûr, la prod nickel qui vient couronner le tout. Tout le monde aime Get Lucky, c'est bien simple. Parce que tous les bons ingrédients sont réunis. Guy-Man et Thomas ne sont pas cons: derrière le tube, la même fine équipe est réunie autour d'un Get Lucky 2, Lose Yourself To Dance. On prend exactement le même principe et on recommence. D'ailleurs, dès la sortie de l'album, Lose Yourself To Dance a curieusement fait l'unanimité autour de ceux qui découvraient le disque, et un certain buzz sans que Daft Punk ait eu besoin de la promouvoir le moins du monde. Difficile de déterminer une chanson préférée entre les deux, chacune est une petite bombe funky de notre temps, avec une section instrumentale au poil, qui sait fédérer tout un pan du public par sa facilité (dans le bon sens du terme), par son côté instantané mais inusable. Dans la même veine, l'ouverture de l'album, Give Life Back To Music, sait happer l'auditeur direct avec son intro en grande pompe.

Daft Punk nous offrirait donc un disque de funk ? Non, le groupe est trop intelligent pour ça. 2/3 titres similaires, l'auditeur prend son pied. 13 fois le même titre, il zappe. Random Access Memories navigue autour de plusieurs styles, sans jamais trop rencontrer le Daft Punk d'avant, mais avec une certaine familiarité. Renouvellement. Le groupe va par exemple chercher au plus pur rayon pop. De ce côté-là, la recette est très souvent réussie: Instant Crush, dans laquelle apparaît Julian Casablancas, se distingue par une illusion de puissance derrière la douceur: la guitare enveloppe l'auditeur, le berce, et en devient dangereuse. Car d'un coup d'un seul surgit ce refrain vintage de grande classe, où Casablancas s'illustre. Résultat, la chanson est l'une des plus efficaces de l'album, sans compter parmi les plus évidentes. Fragments Of Time vient se poser dans la même catégorie, bien qu'étant plus légère. Par conséquent, la production ici est moins efficace, un peu trop lisse, voire un poil gênante. Mais quelque chose là-dedans sent bon le soleil, le refrain est de ceux que l'on ne peut pas détester, sans pour autant verser dans la nunucherie à minettes. Ce morceau est racé. Funk, pop, même combat sur ce Random Access Memories. L'auditeur est caressé mais le résultat est loin, très loin d'être désagréable.

L'auditeur n'est cependant pas caressé tout le temps, ça serait trop facile. Pour le faire réagir un peu, Daft Punk a choisi de faire tenir son disque sur trois piliers, trois morceaux plus longs que le reste, et aussi plus ambitieux, jusqu'à vouloir taper dans la pièce montée grandiloquente. Le premier de ces trois morceaux est la grosse baffe de l'album. Giorgio By Moroder. Neuf minutes au cours desquelles le groupe rend hommage à Giorgio Moroder (sans blague !), à travers, d'abord, un témoignage du monsieur lui-même. Ce qui l'a poussé à faire de la musique, sa tentation pour les sounds of the future, la découverte de son génie, finalement - même s'il semble bien trop modeste pour en parler de la sorte. Puis, un premier virage s'opère, Daft Punk se lance dans un gimmick synthétique à la Moroder, enchaîne de sublimes variations dessus, jusqu'à ce que les cordes arrivent. C'est là que les larmes montent. Si, si. Foutez-vous de ma gueule; mais avez-vous déjà écouté ce morceau à fond au casque ? On reparlera ensuite de l'effet que ça fait, surtout lorsque vous l'écoutez pour la première fois, lorsque le thème principal repart par-dessus les cordes. Cet effet est frissonnant, suffit à lui seul à faire de Giorgio By Moroder le haut sommet du disque. La fin, elle aussi, est d'une puissance qui dépasse l'entendement: la basse s'éclate puis la guitare surgit dans une explosion furieuse, le bouquet final est saisissant. Oui, Giorgio By Moroder est un chef d'oeuvre. Et là, l'auditeur n'est plus brossé dans le sens du poil: là, il se met à vivre la musique qu'on lui propose, à la prendre avec sérieux, avec les tripes. Daft Punk réussit son coup, once again.

Le deuxième morceau de cette trilogie est celui avec Paul Williams, Touch. L'intro rappelle évidemment Phantom Of The Paradise (Paul Williams y jouait Swan et a composé l'ensemble de la musique du film), puis la voix chevrotante de l'ami Swan, dans un grand éclair de nostalgie, surgit. Touch est en réalité un espèce de gros gloubiboulga en plusieurs parties, où le groupe ne se refuse rien. Moins puissant que Giorgio By Moroder, c'est également l'opposé de ce morceau: là où l'hommage à Moroder vous frappe de plein fouet dès la première écoute, Touch en nécessite plusieurs, est difficile à appréhender. Au final, Touch n'est sans doute pas la pièce montée parfaite escomptée, Daft Punk se perd un peu dans un dédale ambitieux mais risqué. A la limite, le troisième volet de la trilogie et final de l'album, Contact, est plus "sobre" (tout est relatif) mais plus marquant: morceau instrumental, le plus électronique de l'album. Une montée en puissance assez intense, à écouter là encore à fond au casque. Tel la fusée qui s'envole vers la stratosphère, Contact semble aussi ouvrir, pourquoi pas, vers de nouvelles ambitions futures pour le groupe. Ici, on contraste assez avec le reste du disque, mais le résultat reste très satisfaisant, bien qu'il puisse paraître sans doute un peu surchargé au goût de certains (et ils n'auraient pas tort de le penser).

Alors, bien sûr, tout n'est pas excellent sur Random Access MemoriesThe Game Of Love, gentiment soupasse, en a fait glousser plus d'un. C'est joli, mais un peu mièvre, tout comme Within, le morceau avec Chilly Gonzales, où l'idée de départ est bonne, mais le résultat final assez guimauve bien que superbement réalisé. Beyond possède une intro hollywoodienne de haute classe mais finit surtout par provoquer l'ennui, tout comme l'instrumental qui la suit directement sur le disque, Motherboard. Enfin, on ne saurait trop où ranger Doin' It Right, morceau minimaliste, assez bien foutu mais plutôt irritant au bout de quelques écoutes. Là est peut-être ce qui manque encore à Daft Punk: Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter n'ont jamais réussi le disque parfait, chaque album contient au mieux ses 2/3 titres inutiles, au pire ses deux-tiers complètement infâmes (Discovery). Mais cela, pour le seul exemple de Daft Punk, est un problème moindre. Le génie de ce groupe réside dans ce qui a été dit en début de chronique, et finalement, Random Access Memories en est la représentation parfaite: le duo sait prendre des risques, aller toucher coûte que coûte tous les publics possibles, se renouveler sans cesse quitte à pondre quelques trucs pas top de temps en temps. Et c'est bien pour ça qu'ils ont toujours récolté mon plus haut respect.

1. Give Life Back To Music (4:34)

2. The Game Of Love (5:22)

3. Giorgio By Moroder (9:05)

4. Within (3:43)

5. Instant Crush (5:34)

6. Lose Yourself To Dance (5:57)

7. Touch (8:18)

8. Get Lucky (6:09)

9. Beyond (4:52)

10. Motherboard (5:41)

11. Fragments Of Time (4:37)

12. Doin' It Right (4:18)

13. Contact (6:24) 

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1 avril 2012

Discographie n°2: The Doors

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Pour cette deuxième discographie détaillée, un groupe, un vrai: les Forbans. Nan, je déconne, aujourd'hui, nous allons bel et bien parler du groupe mythique de Jim Morrison, que l'on ne présente plus, les Doors. Un groupe à la carrière aussi éphémère que remarquable, qui aura cherché durant leur six albums studio une symbiose parfaite entre blues, rock et pop (oui, un peu, quand même). Let's go.

aThe Doors (1967): La première fois que ce gros goinfré de Paul A. Rothchild entend les maquettes des Portes, ça lui fait à peu près autant d'effet que l'odeur d'un seau de merde. Il faudra alors tout le courage du regretté Arthur Lee, chanteur de Love, pour convaincre le célèbre producteur de faire rentrer Morrison, Krieger, Manzarek et Densmore chez Elektra. Ne serait-ce que pour leur donner une chance, un 33 Tours. Fort du succès de Love, Rothchild accepte. Résultat: courant 67 sort la bombe à la pochette noire. Un disque vendu dans le monde entier, mythe à lui seul, comprenant pas moins de trois des plus myhtiques chansons de l'histoire du rock. La pochette donne le ton: The Doors sera un groupe centré sur son charismatique chanteur, Jim Morrison, qui fait toute la force des choses. Reste que les trois à droite, qui se cachent dans l'ombre, ne sont pas les dernières pignes du garage de ta voisine. Et comment ne pas en être sûr quand, dès les premiers sillons du disque, surgit Break On Through (To The Other Side) ? 2 minutes 30 ravageuses, complètement destroy, Stoogiennes avant l'heure... Un monumental groupe de rock'n roll est né. La suite de l'album, à défaut d'égaler ce chef d'oeuvre absolu régnant en guise d'ouverture, joue quand même en leur faveur. Les classiques abondent: comment ne pas citer Light My Fire, que tout le monde a déjà entendue, transcendée dans sa version album en une transe époustouflante de 7 minutes ? Ce Soul Kitchen impérissable ? Tout concourt à faire de ce premier cru éponyme un disque qui restera dans les annales. Deux reprises, et quelles reprises ! Les Portes remettent au goût du jour le Alabama Song de Weill et Brecht dans une version grandiose, bien qu'atomisée une dizaine d'années plus tard par la version de Bowie... L'autre reprise, Back Door Man, en ouverture de face B, est une version énergique et très réussie d'un standard blues de Willie Dixon. Avec cet album, les Doors savent aussi faire dans la dentelle: la ballade The Crystal Ship, monumentale, est inoubliable; End Of The Night est moins forte, mais sublime aussi. Enfin, ce serait un sacrilège de ne pas aborder le final de 11 minutes, le mystique et cultissime The End où Morrison prouve qu'il est le patron, en gueulant interminablement son complexe d'Oedipe. Le seul défaut de The Doors est qu'il contient tout de même quelques chansons mineures: I Looked At You et Take It As It Comes sont médiocres, l'album aurait été encore meilleur sans elles. Et Twentieth Century Fox, si elle s'en tire assez bien, n'est pas non plus inoubliable. Mais ne boudons pas notre plaisir, les 44 minutes de ce premier album des Doors sont tout simplement cruciales. Pan dans la gueule, Rothchild !

Meilleure chanson: Break On Through (To The Other Side)

e841f1956a9d210f11468479e4cf54f2Strange Days (1967): Le premier album était déjà une tuerie, celui-ci l'atomise. Je ne plaisante pas. Pourtant, Strange Days, sorti la même année, est bien plus court (35 minutes là où le précédent en comptait 44). Mais son ambiance est bien plus réfléchie, soignée, le groupe se fait moins bourrin que sur l'impulsif The Doors, tout en gardant son âme des premiers jours. Strange Days constitue le pendant crépusculaire du premier album, et reste, tout à fait subjectivement, mon album préféré des Doors pour l'éternité. Sous cette pochette étrange se cache une pure merveille à la violence latente, oppressante. Strange Days est avant tout, comme le précédent, constitué d'un final de 11 minutes, bien plus réussi que The End qui était déjà terrible: When The Music's Over. Et là, que dire ? Tout ce qui fait les Doors est résumé dans ce monstre. On passe de moments violents (le solo de Krieger, incroyable, la reprise de la fin qui fait tout péter), à des moments calmes et apaisés (le thème principal), et à cette partie centrale totalement oppressante résumant tous les délires "poétiques" de Morrison. Tout l'univers Doors est représenté dans cet incroyable moment virevoltant du 5ème sous-sol au 7ème ciel sans jamais s'arrêter. Un morceau tétanisant, grandiose, incroyable. Mais de là à dire que le reste de l'album est de la merde, sûrement pas. Aucune mauvaise chanson ici. Le tube radio de l'album s'appelle Love Me Two Times, et est un vrai bonheur de rock torché, rythmé, joussif, de grande classe. My Eyes Have Seen You est fondée sur le même principe. Du reste, c'est plus calme. Strange Days, qui ouvre l'album, est un bonheur pop total, un de mes grands chouchous du groupe, et déjà, c'est difficile de passer après. Dire que le deuxième titre, You're Lost Little Girl, est encore meilleur ! Ici, on est dans une semi-ballade assez noire où Krieger et Manzarek forment une section mélodique du tonnerre de dieu, cette chanson devenant également ainsi, une de mes chouchoutes absolues des Doors. Signalons que, selon la légende, Morrison aurait enregistré cette chanson pendant qu'en dessous de la ceinture, une groupie découvrait les joies buccales de... enfin bref. Dans le même style, I Can't See Your Face In My Mind assure monumentalement bien, pareil pour Unhappy Girl. Horse Latitudes, pour courte qu'elle est, est une grande "chanson" de cinglés, à base de bruits divers et d'un Morrison qui n'a jamais autant hurlé. Culte. Elle est suivie directement par Moonlight Drive, superbe morceau pop sans prétention, se finissant toutefois en apocalypse sur de sublimes notes de Krieger. Il me reste enfin à parler de People Are Strange, cette perfection totale, ce joyau brut de seulement 2 minutes qui file le frisson à chaque fois. Et c'est même dans sa totalité que Strange Days file le frisson. A la fois calme et violent, étrange comme son titre et sa pochette, hanté par une force musicale fantômatique qui ne le lâche pas, Strange Days est le genre d'albums qui marque au fer rouge vos tympans. Mon album préféré des Doors, un de leurs meilleurs, aussi, et un de mes albums préférés au monde. Inoubliable.

Meilleure chanson: impossible de chosir une chanson quelconque !

Waiting_for_the_Sun_the doorsWaiting For The Sun (1968): 1968, et déjà le troisième opus des Portes. Sous une pochette magnifique se cache un disque bien particulier. Avec 33 minutes au compteur, c'est leur plus court, et il devait s'appeler à l'origine The Celebration Of The Lizard, dans le but que la face B de l'album ne comporte qu'une suite éponyme de 17 minutes, plus portée sur le texte de Morrison que sur la musique. Ce morceau épique, qui sera par la suite toujours joué en live, sera enregistré en studio. Toutefois, les Doors ayant bien d'autres chansons à placer derrière, le projet capote, et le groupe décide de faire un disque plus "normal", plus conventionnel. Seul un extrait de The Celebration Of The Lizard sera placé sur l'album, et c'est le pivot central de la suite, la montée en puissance angoissante qu'est Not To Touch The Earth, un grand moment bien oppressant comme les Doors savaient en faire. Pourtant, Not To Touch The Earth ne reflète pas du tout ce qu'est vraiment Waiting For The Sun. Car Waiting For The Sun est un virage pop éphémère pour les Doors. Ou alors, si on parle de rock ici, on en parle essentiellement sous forme de ballades rock. Le groupe réalise l'album du coeur, leur disque hippie. Bon, il y a quand même trois chansons sauvages sur cet album. Not To Touch The Earth, donc, mais aussi The Unknown Soldier, remarquable et culte charge contre la guerre agrémentée de bruitages (d'une éxécution, bruitage atroce). Si le morceau commence calmement, de manière pop, il se finit de manière féroce, et est l'un des morceaux les plus rock du groupe, assurément, et l'un des sommets de l'album. La troisième chanson de l'album à être de ce style est le final, Five To One. Enregistré avec un Morrison complètement bourré (ça s'entend dans sa voix), il s'agit encore une fois d'un morceau emblématique et jouissif, rien de mieux pour finir l'album. Mais le reste... Relax, mes frères. Love Street, Summer's Almost Gone, Yes The River Knows, tant de chansons tour à tour tendres, mélancoliques, qui font de Waiting For The Sun un album plus pop que rock, d'où la déception chez certains fans. Du reste, l'album s'ouvre sur un hit absolu, numéro 1 dans les charts à l'époque, Hello I Love You. Pas grandiose mais assez plaisant, comme Wintertime Love. Grandiose, en revanche, est Spanish Caravan, adaptation d'un célèbre morceau classique, où Krieger prouve son grand talent guitaristique. En revanche, l'album contient malheureusement deux chansons férocement à chier, et qui interviennent l'une à la suite de l'autre ! My Wild Love et We Could Be So Good Together prouvent que même un groupe comme les Doors pouvait parfois avoir des écarts de bien mauvais goût. Après, ces deux chansons ne représentent que 5 minutes sur les 33 que l'album dure, donc rien de bien grave... En conclusion, Waiting For The Sun est un album déroutant pour du Doors, pas toujours parfait, mais plein de charme et de tendresse; un comble pour un groupe de rock. Finalement, ce disque est assez bien représenté par sa pochette, c'est l'album idéal pour vos soirées d'été et de couchers de soleil. Pour faire allusion à une chanson de Brel, ce disque est un soir d'été: à force, il sera tellement attachant qu'il vous deviendra indispensable !

Meilleure chanson: The Unknown Soldier

the doors the soft paradeThe Soft Parade (1969): Avec un Morrison qui enchaîne les conneries, des désaccords musicaux et des fans qui pensent que le groupe est en perte de vitesse, les engueulades s'accumulent chez les Portes. Et à la sortie de leur quatrième album, The Soft Parade, rien ne ve plus. D'autant plus que le disque, sorti sous une pochette de grande classe, est un bide. En même temps, on peut parler, ici, de suicide commercial. Comprenez par là que les Doors ont soudainement décidé d'introduire des cuivres dans leur morceaux. Oui. Des cuivres. Ce qui, forcément, ne plait pas trop aux fans et aux critiques. Depuis, The Soft Parade est catalogué comme le ratage des Doors. Mais en est-ce vraiment un ? Non, absolument pas. Il s'agit même, au risque de vous choquer, de l'un des meilleurs opus des Doors. Pourtant, deux merdes difficilement surpassables viennent s'incruster sur le bouzin. La première, c'est Easy Ride. Concrètement, je ne sais pas ce qui a pris aux mecs d'enregistrer ça. Composé un jour de mauvaise gastro, cette chanson aux accents country est un carnage, rien à dire de plus. On pourrait presque parler d'une chanson de commande, et le traîtement n'est guère mieux pour Runnin' Blue, mais qui, elle, a au moins le mérite de faire entendre la voix de Krieger, et de rendre hommage à Otis Redding en son début. A part ça, ça ne peut pas être autre chose qu'une blague, je l'espère. Finissons-en pour ce côté de l'album avec une chanson non pas mauvaise, mais tout de même assez anodine, Do It. Et maintenant, le reste, c'est-à-dire, le panard. L'album ne contient rien d'autre que ma chanson préférée des Doors. Il s'agit de Wishful Sinful. Et évidemment, là, je coince. Comment parler correctement d'une pareille merveille ? Je n'en ai pas la moindre idée. Des musiciens qui n'ont jamais été aussi parfait, un Krieger monumentalement ajusté, Morrison qui livre une prestation crooneresque d'une classe absolue... Les frissons prennent jusqu'à la montée en puissance finale. Un morceau grandiosissime que ce Wishful Sinful. Le gros classique de l'album, car il y en a un malgré la mauvaise réputation du disque, c'est Touch Me, enregistré avec une pétarade de cuivres, et qui laisse exploser en sa fin un solo de saxophone. Sublime. Wild Child est aussi un classique, qui nous emmène cette fois dans du Doors plus traditionnel, avec cette grosse ligne bluesy de Robbie Krieger, qui reste, quoi qu'on en dise, un grand guitariste très sous-estimé en sa matière. Tell All The People, en ouverture d'album, est admirable; Shaman's Blues donne les prémices de L.A. Woman et est l'une de mes préférées ici. Enfin, le final, The Soft Parade, de quasiment 9 minutes, est une pièce en plusieurs parties où règnent à la fois délires de Jim (YOU CANNOT PETITION THE LORD WITH PRAYER !!! quelle intro...), folk (Krieger est grand, je maintiens...), jusqu'à la catharsis finale de blues chamanique, comme le titre d'un autre morceau de l'album... Dans l'ensemble, The Soft Parade, acceuilli avec autant de chaleur que la Peste Noire en son époque, est l'album méconnu et sous-estimé des Portes, et un de ceux qui a le plus de charme, car sûrement le moins Doorsien du lot. Loin du bâton merdeux que sa réputation veut, on tient là, qu'on se le dise, un disque admirable.

Meilleure chanson: Wishful Sinful

MorrisonHotelFrontMorrison Hotel (1970): Cinquième album des Portes, Morrison Hotel est l'un de leurs plus réputés. Sous une pochette culte prise sans l'accord du propriétaire des lieux, en cachette, se tient un disque plus long que de coutume, 37 minutes, ce pour 11 titres. Pour cet album, les Doors testent une coutume propre au disque vinyle, que certains autres ont fait: donner un nom différent à chaque face. Aussi, si Morrison Hotel est le titre officiel de l'album, il ne s'agit en réalité que du titre de la face B. La face A porte le nom de Hard Rock Cafe, et comme par hasard, le verso de pochette montre la groupe de Morrison poser devant un bar ainsi nommé de Los Angeles, qui a depuis fermé, mais également donné son nom à une fameuse chaîne de bars, et ce, grâce à l'album. Anecdote amusante, non ? Musicalement, maintenant... Je ne saurais vous dire pourquoi, mais Morrison Hotel a toujours été le Doors que j'ai le moins aimé. Il m'a toujours semblé être anodin là où les autres avaient une ambiance propre à eux seuls. Cependant, n'allez pas croire qu'il est moins bon que les autres. L'album s'ouvre sur son chef d'oeuvre, son classique absolu, j'ai nommé Roadhouse Blues. Que dire à propos de cette tuerie ? Un riff bien saignant de Krieger, un piano de bar parfait de Manzarek, sur ce morceau incroyable qui était déjà joué depuis longtemps en live, et se devait d'incorporer un album studio un jour. L'album démarre donc très très fort, d'autant plus que le deuxième titre n'est autre que Waiting For The Sun, chanson datant des sessions de l'album du même nom, et qui avait été abandonné. Du très grand Doors encore une fois, un pur sommet bluesy qui fait, combiné avec Roadhouse Blues, la meilleure ouverture pour un album des Doors ! C'est après que le disque devient moins fort. Bon, il y a des perles absolues, quand même. Comme ce Peace Frog orgasmique où rarement le groupe n'aura semblé autant en symbiose, et où même John Densmore assure à fond derrière ses fûts. On trouve aussi, en début de face B, Land Ho !, une merveille enjouée où les mecs semblent s'éclater. J'adore aussi le blues pur The Spy et le moment de grâce Manzarekien Queen Of The Highway. Soit plus de la moitié des titres de l'album ! Parallèlement, je n'aime jamais trop aimé You Make Me Real avec sa ligne de piano qui m'énerve un peu. Indian Summer est un morceau de remplissage pur et dur, calqué sur The End musicalement, en évidemment moins fort. Blue Sunday est une belle ballade mais ne casse pas des briques non plus. Enfin, les deux fins de face, Ship Of Fools et Maggie McGill, sont plaisantes mais pas inoubliables. Dans l'ensemble, Morrison Hotel est, je trouve, le moins bon album des Doors, la faute a une petite moitié de titres qui passent bien l'écoute mais ne resteront pas dans les mémoires. Toutefois, rien que pour cette ouverture monumentale et pour Peace Frog, son écoute demeure indispensable. Un bon cru, honnête et sympathique, où Morrison semble s'être calmé...

Meilleure chanson: Roadhouse Blues

The-Doors-LAL.A. Woman (1971): Et voilà donc le sixième et dernier album du groupe en entier. Car peu de temps après, Morrison décèdera à Paris, rejoignant Robert Johnson, Brian Jones, Janis Joplin et Jimi Hendrix au fameux club des 27. Reste une ultime oeuvre hors du commun. L.A. Woman est sans le moindre doute le meilleur album du groupe objectivement (subjectivement, c'est Strange Days). Il s'agit aussi de leur plus long, avec 48 minutes au compteur. Pour la première fois, Paul A. Rothchild ne produit plus le groupe pour désaccord musical, et laisse la place à Bruce Rotnick, qui signe ici un très bon boulot. L'album, cultissime, est surtout célèbre pour sa pièce finale de 7 minutes, l'orageux Riders On The Storm. Un moment de grâce, au sens propre du terme, un chef d'oeuvre absolu et emblématique, dans lequel Morrison n'aura JAMAIS aussi bien chanté, je dis bien JAMAIS. Pareil pour les musiciens: Manzarek touche la chanson de sa vie, un moment de bravoure pour lui et ses claviers. Densmore apporte une rythmique incroyable. Bref, Riders On The Storm est le chef d'oeuvre final d'un groupe mythique. Mais limiter l'album à cette chanson serait un crime. Il y a une autre pièce de 7 minutes, presque 8 en fait, qui atomise tout son passage, c'est l'éponyme L.A. Woman. Tout simplement ma chanson préférée des Doors derrière Wishful Sinful, c'est un inénarrable et démentiel monstre blues et rock, très énergique, jubilatoire, jouissif, qui atteint son sommet lors d'une montée en puissance d'une ampleur féroce et énervée. Comment en dire plus ? L.A. Woman est le sommet absolu de l'album du même nom, plus encore que Riders On The Storm ! Et que les autres chansons... Parce que des sommets, il y en a, là-dessus, mein Gött. Comment ne pas s'incliner sur l'ouverture immense que constitue The Changeling, où Krieger se porte une nouvelle fois en héros, où Morrison braille comme un damné sans toutefois en faire trop... Comment ne pas s'incliner face à Love Her Madly, tube total et pop comme les Doors savaient si bien les faire ? Oui, L.A. Woman, ce n'est pas que du blues et du rock, c'est aussi de la pop avec Hyacinth House, morceau trop court, et la dernière preuve que Morrison était aussi un crooner de grande classe. L'album contient une reprise d'un vieux John Lee Hooker, Crawlin' King Snake, ma foi fort efficace. Dans le même registre, Cars Hiss By My Window est un blues pur, sans artifices, où Manzarek apporte sa touche raffinée et mélodique. Been Down So Long, très rythmée mais aussi très sobre, montre un Robbie Krieger investi qui va chercher son blues dans des sonorités presque Gilmouriennes ! L'America avait été composée à l'époque du précédent album, pour la monumentale bande-son (Pink Floyd, Grateful Dead...) du non moins monumental Zabriskie Point d'Antonioni. Mais, choix oblige, le réalisateur avait rejeté la chanson. The Wasp (Texas Radio And The Big Beat) est également une archive, un peu améliorée pour l'occasion, qui avait déjà été utilisée lors de passages TV et de lives. Il y en a, des choses à dire sur L.A. Woman, oh oui. On pourrait écrire un livre sur cet album. Reste un joyau absolu, plus blues que rock, qui signe à merveille la fin de l'un des plus grands groupes que nous ayons connus.

Meilleure chanson: L.A. Woman

11 février 2012

Discographie n°1: The Beatles

The_Beatles_-_Yesterday

Faire sur ce blog des discographies détaillées... depuis quelques jours, j'en rêve. Ca m'a pris comme une envie de pisser après un coca, lorsque j'ai réécouté Abbey Road l'autre soir. Je me suis dit, "tiens, faudrait vraiment que je fasse la discographie des Beatles" ! Et, pour commencer une catégorie comme ça, quoi de mieux que de commencer par le plus grand groupe de tous les temps ? Une discographie quasi-parfaite, hormis deux faux pas, et qui s'apprécie toujours autant après des années et des années d'écoute, même quand on la connaît par coeur (j'en sais quelque chose !). Une série d'albums mythiques, enregistrés et publiés de 1963 à 1970, sept années quintessentielles qui ont vues le rock évoluer, grâce à des albums tels que Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ou Revolver. Trêve de bavardages, let's go !

135e5ePlease Please Me, 1963: With Love Me Do, and 12 other songs ! La pochette, bien ancrée dans son époque, donne le ton. Une photo cultissime du groupe dans les studios Parlophone. Les Beatles, c'est là, c'est aujourd'hui, c'est maintenant, et no shit. Ces gens sont tous jeunes, ils ont à peine 20 ans, et pourtant, c'est déjà la Beatlemania. Je ne vous refais pas l'histoire à partir du début, hein, on ne la connaît que trop ! Ce premier album est composé de 14 titres, et à peu près autant de chansons originales signées du tandem Lennon-McCartney, que de reprises. Soyons clairs: sur la forme, c'est un classique total, et un disque à posséder à tout prix, parce que c'est le premier Beatles. Mais peut-on en dire autant sur le fond ? Honnêtement, non... Please Please Me est probablement le pire album des Beatles. Tout n'est pas foncièrement mauvais: l'éponyme est sublime, I Saw Her Standing There est un classique instantané de rock'n roll qui envoie le bois, et Love Me Do est immortelle, constitue le début de la plus grande aventure du rock et de la pop. Malheureusement, pour le reste, c'est le plus souvent atroce, à l'image de quelques merdes abyssales et mièvres qui ne valent pas un rot de nostalgie (copyright Leslie Barsonsec, 2012), telles que Ask Me Why, Misery, A Taste Of Honey (la pire du lot, probablement)... Bref, on n'a qu'une envie avec ce disque: que ça s'arrête, le plus vite possible, tellement ça fait mal au cul d'entendre les jeunes Scarabées faire ça. Les paroles sont tartignolles au possible, et les compositions sont médiocres: ici, pas de She Loves You, pas de From Me To You... non, rien de tout ça, alors que ces tueries datent de la même époque, ce qui fait vraiment penser que les Beatles ne sont bons qu'à sortir des 45 Tours d'enfer, parce qu'en LP, ça rame sévère... Heureusement que ça ne dure que 32 minutes, heureusement que Lennon, Macca et Harrison ne continueront pas sur cette voie, heureusement que Ringo ne chante pas encore... bref, enlevez-moi ça des oreilles !!!

Meilleure chanson: I Saw Her Standing There

With-the-BeatlesWith The Beatles, 1963: Ah, là par contre, les choses se corsent. Là, ça devient du lourd. Du sérieux. Ce deuxième 33-T du groupe est le vrai coup de départ, un album fédérateur et qui marque le début de beaucoup. Sous cette pochette magnifique, les compos sont plus recherchées, l'énergie est bien présente, et John, Paul, George et Ringo s'apprêtent à tout niquer. Bon, tout n'est pas parfait: With The Beatles, ou Meet The Beatles dans sa version ricaine d'époque, peut se targuer de contenir deux des pires chiures jamais écrites par Lennon et Macca: Little Child et I Wanna Be Your Man sont en effet honteuses et à bannir. Mais le reste, c'est le panard ! Le disque ne contient qu'un seul gros classique, c'est ce fantastique moment de pur McCartney qu'est All My Loving, un des sommets de l'album. Mais limiter With The Beatles à ça serait absurde. L'album contient une floppée de grands moments de rock. It Won't Be Long est une ouverture fantastique où John fait des merveilles, Not A Second Time est une splendeur, tandis que Harrison, pour sa première composition au sein du groupe, se démarque déjà en signant ce qui est probablement le sommet des compos originales de l'album, j'ai nommé Don't Bother Me, une chanson déjà au niveau du futur A Hard Day's Night. Le skeud contient aussi quantité de reprises, et la perle là-dedans est sans doute Please Mister Postman, une des meilleures versions jamais enregistrées de ce standard, qui montre une fois de plus que Lennon, vocalement, est taillé pour le rock'n roll de base, bien con et bien bourrin. Cette voix, nom de dieu !! Il en va de même pour les reprises de Roll Over Beethoven et Money (That's What I Want)... Bref, avec ce deuxième cru, les Bealtes envoient tous leurs fans de l'époque aux anges. La machine est lancée, le moteur est bien chaud, enfin ! Faut croire qu'il avait démarré un matin de grand froid... Vous m'avez compris: malgré deux horreurs, c'est paradisiaque ! Dire que le suivant est encore meilleur !

Meilleure chanson: Please Mister Postman

hard-days-nightA Hard Day's Night, 1964: Avec 30 minutes au compteur, c'est l'album le plus court du groupe. Pourtant, l'oublier serait un scandale. Pour la première fois ici, aucune mauvaise chanson, pour 13 titres originaux (aucune reprise !). Ce troisième opus Beatlesien est le premier chef d'oeuvre absolu du groupe. Une pochette assez moche, mais au concept marrant, pour une enculade de classiques: le titre éponyme, du pur Lennon qu'on ne présente plus, est grandiose, est est l'une des plus grandes ouvertures d'album des Scarabées. A Hard Day's Night, côté tubes, c'est aussi Can't Buy Me Love et And I Love Her, deux fééries signées Macca. Là, pareil, sa patte est reconnaissable direct, et son génie commence à se distinguer. Pondre de pareilles merveilles à seulement 23 ans ne mérite que le respect. Surtout qu'il signe également, sur A Hard Day's Night, l'un des grands piliers de l'album, l'IMMENSE Things We Said Today qui restera à jamais l'un de ses plus beaux exploits pop. Pas de chanson de Harrison ici, le reste du disque est donc fortement dominé par Lennon. Et il ne chôme pas, le père John, à l'image des merveilles absolues que sont I Should Have Known Better, If I Fell (des frissons rien que de repenser à cette chanson...), Any Time At All (Macca n'aurait pas fait mieux en la matière...) ou le final I'll Be Back. Rien à jeter sur ce pur joyau de la pop et du rock british. Tout au plus, I'll Cry Instead et You Can't Do That ne sont pas aussi mémorables que le reste, mais c'est vraiment pour pinailler ! Un album indispensable. A noter que la coda finale de I'll Be Back me fait furieusement penser à la future pièce maîtresse de Love, The Red Telephone: simple coïncidence ?

Meilleure chanson: Things We Said Today

beatles-for-saleBeatles For Sale, 1964: En 1964, les Beatles ont fait beaucoup de choses. Un album d'enfer (voir plus haut !), un film, la conquête des USA, la découverte de la marijuana avec Bob Dylan (véridique !), et Lennon qui sort que son groupe est plus populaire que le Christ. Alors, fin 64, les Beatles n'en peuvent plus: ils sont épuisés, fatigués. Et quand un groupe fatigué sort un album, c'est une catastrophe. La preuve avec ce Beatles For Sale tout simplement foireux. On tient ici, avec le premier, le pire album du groupe, vous avez bien entendus. Pourtant, il y a de la bonne foi ici, et tout n'est pas à jeter. Par exemple, No Reply est parfaite en guise d'ouverture, Lennon a toujours la classe. Idem avec le classique Eight Days A Week. Du côté de McCartney, le gus signe le sublime What You're Doing et n'en démord pas avec son sens de la mélodie. Au coin des reprises, on peut citer le génial et jouissif Rock And Roll Music de Chuck Berry, repris ici par Lennon: un punch incroyable qui en fait le sommet de l'album. Et Harrison de réhausser le niveau avec son interprétation de Everybody's Trying To Be My Baby de Carl Perkins. Malheureusement, le reste du disque est aussi moche que la coupe de cheveux de George sur la pochette de l'album, et les morceaux calamiteux se succèdent, comme ce Mr Moonlight ridicule, ce Honey Don't interprété par Ringo, ou ce I Don't Want To Spoil The Party au titre bien mensonger... I'll Follow The Sun, Baby's In Black ou Every Little Thing auraient pu être sublimes si elles avaient été mieux exploitées... Bref, Beatles For Sale, c'est l'album de trop dans la Beatlemania de l'époque, et malgré quelques réussites, mieux vaut l'oublier. Pour tout dire, Eight Days A Week a beau être une des chansons qui s'en tirent le mieux ici, c'est aussi la moins bonne de tout le fameux double rouge... Un paradoxe qui en dit long sur la qualité de ce 4ème cru...

Meilleure chanson: Rock And Roll Music

beatles-help-albumHelp !, 1965: Hé, John, un E vivant, ça se fait pas comme ça ! En même temps, sur cette pochette ridicule, les Beatles ne semblent pas vouloir représenter le mot "Help", bien que Harrison et McCartney aient une posture proches du H et du L... M'enfin, rassurez-vous: le contenu est plus beau que le contenant. Et je vais même dire quelque chose qui relèvera du blasphème auprès de certains fans: Help !, cinquième LP des Beatles, est l'un de mes grands chouchous du groupe, un de mes albums préférés d'eux. Si. Il faut bien dire les choses comme elles sont: après un Beatles For Sale particulièrement mauvais, les Scarabées font un retour en force pur et dur, et la face A de Help !, qui constitue la musique du génial film de Richard Lester, est sûrement la plus grande face d'album jamais enregistrée par les Beatles. Point barre. 7 titres, et aucun en dessous des autres, que des inaltérables merveilles musicales. Déjà, les méga-tubes de Lennon, Help et Ticket To Ride, sont surpuissants, mais limiter cette face A magique à eux serait un crime. Côté Lennon, c'est aussi la ballade You've Got To Hide Your Love Away, une des plus belles qu'il ait écrites, et ce non moins fantastique You're Gonna Lose That Girl. McCartney, de son côté, utilise la manière forte et signe le sommet de l'album entier, le mémorable The Night Before, peut-être le meilleur morceau rock des Beatles, un pain dans la gueule toujours aussi efficace 45 ans après. On lui accorde aussi le très sympa Another Girl. Enfin, Harrison signe, comme à son habitude, une véritable pépite, ce I Need You atteignant des sommets rarement égalés en matière de pop. Bref, cette face A est un monument absolu en tous points. Mais Help !, c'est aussi une face B. Disons-le tout net, elle est moins efficace que la A, mais possède quand même des qualités indéniables. En plus de contenir une chanson qu'on ne présente plus, j'ai nommé Yesterday, sur laquelle je ne m'attarderais pas car il n'y en a pas besoin, tant elle est magnifique, cette face contient aussi Dizzy Miss Lizzy, une reprise évidemment, où Lennon se fait, comme d'habitude quand il s'agit de reprendre le rock'n roll, un dieu total. Dans un autre style, It's Only Love le montre aussi au sommet. La seule chanson que je n'ai jamais trop apprécié sur Help !, c'est ce Tell Me What You See un peu usant à la longue (mais rien de grave). Pour le reste, c'est Byzance, c'est tout ce que vous voulez, mais c'est un joyau comptant parmi les plus belles oeuvres des Beatles. Et un de mes préférés, aussi.

Meilleure chanson: The Night Before

beatles-rubber-soulRubber Soul, 1965: Ce qui est assez sympa, avec les Beatles à partir de 1965, c'est que chaque album est plus puissant encore que le précédent. Et là, on est encore une fois face à du très lourd ! Sur la pochette, les Beatles avec les cheveux longs, et le lettrage orangé hippie avant l'heure qu'on ne présente plus... Bienvenue dans l'âme-gomme, dans Rubber Soul. Un album qui représente à lui seul un bon quart des chansons présentes sur le double rouge, et pensez-vous: c'est probablement l'album des Beatles sur lequel on retrouve le plus de classiques, avec Magical Mystery Tour. Allez, je vais citer la floppée totale: Drive My Car, Girl, Michelle, Nowhere Man, In My Life, Norwegian Wood (This Bird Has Flown)... Tout ça, c'est sur le même album. Et clairement, que peut-on en dire qui n'a pas déjà été dit un million de fois ? C'est grandiose, c'est fabuleux, ça va au-delà de l'imaginable. Il y a quand même un morceau pas top sur Rubber Soul, c'est ce Wait assez anecdotique. Pour le reste, on trouve quelques incartades psychédéliques avant l'heure, avec ce If I Needed Someone bien classieux de Harrison, ou donc, ce fantastique Norwegian Wood (This Bird Has Flown). Que dire, aussi, face à ce magique You Won't See Me de Macca ? Rubber Soul s'impose également comme un album assez haineux, presque Stonesien dans ce jouissif Run For Your Life final de Lennon, où l'intéressé clame à une donzelle qu'il préfèrerait la voir morte qu'avec un autre. Ambiance ! I'm Looking Through You montre Macca également bien énervé, et Harrison signe une de ses compos les plus énérgiques avec Think For Yourself. Au niveau des classiques, c'est intouchable, et ce mot s'applique à tout ce qui a été cité plus haut. Mention spéciale à ce In My Life formidable, de l'immense Lennon. Putain, même Ringo s'en tire bien avec son What Goes On ! Allez, assez parlé, je pense qu'à ce niveau-là, le mieux reste d'écouter !

Meilleure chanson: In My Life

beatles-revolverRevolver, 1966: En 1966, c'est un cataclysme: Brian Wilson et les Beach Boys renvoient tout le monde aux pâquerettes avec leur Pet Sounds. Un album merveilleux fait dans le but de surpasser Rubber Soul. Forts de cette branlée musicale, les Beatles contre-attaquent et signent, un peu plus tard dans l'année, cet album que l'on ne présente plus, Revolver et sa pochette mythique. Ce sera un triomphe, qui, s'il ne fait pas oublier l'album des Beach Boys, le talonne. Vraiment. L'un dans l'autre, ces deux albums sont une révolution: ils marquent l'arrivé d'un nouveau style, le rock psychédélique. Et pour ce nouveau style, les Beatles n'y vont pas de main morte... Deux classiques absolus présents sur l'album: Yellow Submarine et Eleanor Rigby. Si la première, interprétée par Ringo Starr, est, ne nous voilons pas la face, assez anecdotique bien que sympa; la seconde est du fabuleux McCartney, un des sommets de l'auteur avec son orchestration divine et ses paroles tristes mais magnifiques, sur la solitude. On pourrait accuser cette chanson, et Yellow Submarine, de vampiriser le reste de l'album. Reste qui est, le plus souvent, immense. Harrison signe ici trois chansons, un record ! Dont le fameux Taxman, perfection rock en guise d'ouverture. Il fait également découvrir aux fans son nouveau hobbie: la musique indienne, avec ce Love You To initiatique. McCartney, lui, n'en finit plus de signer des merveilles, et outre Eleanor Rigby, on a droit au sublimissime Here There And Everywhere, au non moins sublime For No One avec son piano enivrant, et au très rock Got To Get You Into My Life, devenu un de ses classiques. Lennon, lui, s'octroie la part belle avec sa furie Tomorrow Never Knows et sa rythmique cultissime. Parmi ce que l'on retiendra de lui pour Revolver, citons également le très psyché She Said She Said, et le génial et amnésique I'm Only Sleeping, ma préférée de l'album personnellement. Revolver, une révolution à lui seul et qui s'en porte bien. Tout le monde devrait naître avec ce disque dans la peau, une cavalcade insensée de 14 chansons ayant changé le rock, et qui prouve que, malgré les tentations des Beach Boys de prendre le devant, les Scarabées s'en tirent de mieux en mieux au fil du temps et des albums...

Meilleure chanson: I'm Only Sleeping

beatles-sgtpepperSgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, 1967: Comme on a pu le voir, chaque album des Beatles constitue une révolution. Mais là, que dire ? Pas de barratin qui tienne, tout le monde connaît ce 8ème cru du groupe avec sa pochette fantastique, j'ai nommé Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band. Si cet album, souvent hissé au statut de "plus grand disque de tous les temps" et autres conneries, est aussi réputé, c'est parce que, avouons-le, dans la forme, c'est un MONSTRE. Pensez-donc: une photo impensable en guise de pochette, disque vinyle blanc, paroles imprimées au verso de la pochette, atelier découpage proposé sur un grand papier vert... le tout couronné d'une belle photo des Beatles sur fond jaune quand on ouvre le vinyle original: bref, cet album se doit d'être possédé en vinyle. Maintenant, sur le fond. C'est une épreuve difficile pour le groupe. Ici, ils doivent faire sans Brian Epstein, leur mythique manager, qui les a quittés au début de l'année 1967. Mais pas de panique, ils vont faire sans, les grands gaillards. Ils se laissent pousser la moustache, Lennon opte pour les lunettes rondes qui feront sa marque de fabrique. Flower power style ! Et musicalement, 13 morceaux, pour 39 minutes. Jusque-là, les albums du groupe n'avaient pas dépassé les 35. Et aucune chanson ne faisait plus de 3 minutes. Tout ça, avec Sgt. Pepper's, c'est aussi fini que Capri. Preuve avec ce A Day In The Life final de 5 minutes, un morceau époustouflant et incroyable, autant pour l'époque que pour celui qui l'écoute en 2012. Morceau de Lennon, avec toutefois une intervention de McCartney au centre. C'est tout simplement indescriptible, de cette intro acoustique à ce grand bordel bien bruitiste, jusqu'à la fin avec ce long accord de piano et ce bonus caché qui, sur le vinyle, durait infiniment (sillon bloqué). On est ici face à l'une des plus grandes pièces de l'histoire du rock, mais oublier le reste de l'album serait un crime. Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band, monumental en intro avec ses gimmicks sonores; With A Little Help From My Friends ou Ringo excelle vocalement (si !); Lucy In The Sky With Diamonds où Lennon semble planer bien haut... Chaque chanson de cet album est un mythe à elle seule. Macca signe le symphonique et grandiose She's Leaving Home ainsi que le très amusant When I'm Sixty Four, devenu culte. On citera aussi le très attachant Getting Better de sa part. Within You Without You montre à nouveau Georgie en gourou hindou, et c'est très réussi comme ça. Sgt. Pepper's ne contient qu'une nazerie, c'est ce Good Morning Good Morning assez abject. Du reste, à défaut d'être le meilleur album des Beatles, c'est un cru immense, incroyable comme toujours, aussi réussi que mythique. I read the news today, oh boy... !

Meilleure chanson: A Day In The Life

magical-mystery-albumMagical Mystery Tour, 1967: Pas bon la came... C'est clairement ce que l'on se dit au vu de la pochette de ce Magical Mystery Tour, 9ème album du groupe, sorti en 1967. Clairement, il s'agit de la pire pochette du groupe, et de l'une des pochettes les plus atroces de l'histoire du rock. En dehors de ça, l'album est, une nouvelle fois, un triomphe pour les Beatles, et la suite logique de Sgt. Pepper's. Magical Mystery Tour contient un paquet effarant de tubes, de classiques. Côté McCartney, vas-y que je te balance Hello Goodbye, un excellent petit tube pop à défaut d'être l'un des sommets de l'album. Vas-y que je te balance aussi Penny Lane, une splendeur totale qui a de quoi foutre à genoux à chaque fois. Enfin, tranquillement, vas-y que je t'inclus dans le set une de mes plus belles chansons, un diamant brut nommé The Fool On The Hill, que les mots ne suffisent pas à décrire... Dire que du côté de Lennon, c'est encore mieux: Strawberry Fields Forever, qui me terrifiait quand j'étais gosse (ces dernières secondes, franchement...), est limite insurpassable dans son genre. Du psychédélisme de haut niveau, et que dire de I Am The Walrus ? Sommet absolu de l'album et l'un des grands sommets du groupe, c'est l'égal de A Day In The Life sur le précédent. Une démonstration de musique, qui achève l'auditeur à chaque fois du haut de son GOO GOO GOO JOOB légendaire... Evidemment, on n'oubliera pas de citer All You Need Is Love, que tout le monde connaît, et qui est parfaite en fin d'album et en message de paix, ainsi que le titre éponyme, fantastique également. Harrison se paye le très sombre et méconnu Blue Jay Way, de son côté. En bref, Magical Mystery Tour est un classique de plus, une claque dans la gueule de plus, et une pierre capitale dans le mur de la légende Beatles.

Meilleure chanson: I Am The Walrus

beatles-white-albumThe Beatles, 1968: En 1968, c'est le grand chambardement pour les Beatles. Un voyage en Inde que seul George appréciera, le début de l'aventure entre John et Yoko... Tout ça et bien plus encore, des choses qui font que rapidement, des tensions se créent au sein du groupe. Et au bout d'un moment, ça devait capoter: arrive le moment où les Beatles ne peuvent plus se blairer. Aussi, ce "double blanc" qui sort le 22 Novembre 1968, 10ème album du groupe, et leur seul double album (hors best-ofs), n'est pas un album des Beatles. C'est un album de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr. Mais un album des Beatles, sûrement pas. Multi-instrumentistes, les gars ont enregistré leurs chansons chacun dans leur coin, pour les mettre en commun ensuite. Ca donne un amas de 30 morceaux (31 si on compte Can You Take Me Back, 30 secondes non-créditées et incorporées à la fin de Cry Baby Cry) différents, pour une heure et demie de musique. Sur la forme, c'est, comme Sgt. Pepper's, révolutionnaire: le seul double album du groupe, une pochette toute blanche avec, sur les vinyles d'époque, un "The Beatles" inscrit en relief... La grande classe. Dans le fond... ben... pareil. Mais il va être bien compliqué de parler du double blanc. En gros, il s'agit d'un album parfait à cause de ses défauts. The Beatles ne serait pas le chef d'oeuvre escompté s'il n'avait pas ces quelques chansons à peine dignes de fonds de tiroir, et qui font tout son charme. Par exemple, prenons ce Ob-La-Di Ob-La-Da horrible, ce Why Don't We Do It In The Road relevant du foutage de gueule, ou le fendard Good Night final et son irremplaçable Ringo qui prend pour l'occasion une voix de crooner à se pisser dessus... Ce ne sont pas les seuls exemples de morceaux médiocres, ratés. Mais The Beatles, c'est aussi des joyaux, des diamants bruts absolus. Lennon, en plus de se démarquer avec son avant-gardiste Revolution 9 que l'on adore ou l'on déteste (moi, j'adore !), signe aussi de vrais trésors pop: comment ne pas tomber sur le cul face à Dear Prudence, Happiness Is A Warm Gun, I'm So Tired, Sexy Sadie, Revolution 1 (réécriture baba cool du 45 Tours Revolution que John jugeait trop rock) et Cry Baby Cry ? Le meilleur, pour lui, restant sans aucun doute l'inoubliable Yer Blues et sa psychanalyse qui annonce à l'avance l'ambiance de Plastic Ono Band, sans compter sur cette pure merveille folk parlant de sa mère, Julia, une chanson qui me fout les larmes aux yeux... McCartney peut compter sur les chansons les plus rock de l'album: le bordel total et mythique Helter Skelter, c'est lui. Et l'ouverture en grande pompe Back In The U.S.S.R aussi ! Macca a des couilles, et il le montre ! Mais il sait aussi se faire doux: Blackbird, Martha My Dear (sur sa chienne), Mother Nature's Son sont de sublimes moments de douceur. Ringo a droit à sa chanson, Don't Pass Me By, et il s'en tire honorablement. Reste Harrison. Georgie a une chanson sur chaque face, soit quatre au total. Si on excepte le délire porcin Piggies, qui inspirera malheureusement ce taré de Charles Manson, le reste est parfait. Long, Long, Long est tout calme et fait toujours son effet. Au contraire, Savoy Truffle est un grand moment bien funky. Reste celui que j'ai gardé pour la fin, While My Guitar Gently Weeps. Et là, que dire ? C'est inestimable. Ma chanson préférée des Beatles, une de mes 10 chansons préférées au monde, et l'une des raisons qui font que Harrison est mon Beatle préféré. La perfection même que cette chanson. Le double blanc, lui, n'est pas un album irréprochable. C'est un album inégal, même s'il contient plus de réussites que de médiocrités. Mais, paradoxalement, c'est bien pour ça qu'on l'aime, The Beatles. Et le White sans Good Night n'est pas le White. Un joyau de la musique moderne, au potentiel et au culot inégalé de nos jours. Indispensable.

Meilleure chanson: While My Guitar Gently Weeps

abbey-roadAbbey Road, 1969: Les relations ont encore empirées au sein du groupe. C'est la guerre, et il faut bien prendre la décision fatale: la séparation. Alors, avant de partir, pourquoi ne pas se réunir malgré tout, et pondre un dernier chef d'oeuvre ? Ca va être chose faite. Courant 1969, les Beatles abandonnent leur projet «Get Back», pour se concentrer sur ce qui sera leur chant du cygne, Abbey Road. Indéniablement la plus belle pochette des Beatles, et l'une des plus belles pochettes du rock, que l'on ne présente plus, ce 11ème album du groupe est aussi leur plus long (double blanc excepté bien sûr), avec 47 minutes, long pour un vinyle simple, et de plus, un vinyle vert... En effet, le vinyle original d'Abbey Road est vert pomme ! Les Beatles sont encore une fois novateurs dans l'industrie du disque. Musicalement, c'est leur magnum opus, clairement. 17 chansons, et quelles chansons ! Je ne sais même pas par laquelle commencer. Come Together est l'un des gros hits de l'album et est sublime en guise d'ouverture. Something est digne de All Things Must Pass, un immense Harrison qui fout ses tripes à l'air, tout comme dans le tube Here Comes The Sun, une vraie merveille qui fait démarrer en douceur la face B. McCartney a le rigolo (enfin... on parle quand même d'un psychopathe, hein ? Dans les paroles...) mais très agréable Maxwell's Silver Hammer, la ballade blues Oh ! Darling et le superbe You Never Give Me Your Money en plusieurs parties. Lennon s'offre le morceau fleuve I Want You (She's So Heavy), presque 8 minutes de furie, et le dernier morceau enregistré par les Beatles. Oui, après cette chanson, c'est fini. D'où cette fin violente, brute, subite. Ringo, enfin, compose le très sympa Octopus's Garden ! Le déchirant Because achèvera les sensibles avec les voix des Scarabées mises ensemble. Voilà pour les "grosses" chansons; le reste de l'album, c'est le medley final. Et là... Tout l'art des Beatles exposé, les tripes à l'air, en 10 minutes chrono. L'adieu absolu. Le grand final. Que dire ? C'est beau, ça vient prendre là où ça fait mal, c'est la fin du plus grand groupe de tous les temps. Rien que ça. Sun King, Golden Slumbers, The End, tous ces moments d'anthologie, si brefs mais si preneurs... Nothing more to say. Aucun moment de répit, aucune mauvaise chanson, Abbey Road, c'est ça. C'est un album bouleversant, toujours aussi bon à écouter après tant d'écoutes. Mon grand préféré des Beatles, leur oevure ultime, la plus ambitieuse. Chef d'oeuvre absolu, comme si après cet album, il ne devait plus rien avoir...

Meilleure chanson: Something

let-it-beLet It Be, 1970: En 1969, les Beatles partaient sur un projet nommé "Get Back", qui capotera au profit d'Abbey Road. Toutefois, des extraits ce ce projet abandonné sortiront: l'éponyme Get Back, Don't Let Me Down, et des versions alternatives à celles que l'on connaît de Let It Be et Across The Universe. Tout ça sort en 45 Tours courant 1969, comme ça, le grand public est content et n'en parlons plus. Abbey Road se fait et est évidemment un succès. Et alors que, pour tous les membres du groupe, c'en est fini de l'aventure Beatles, ce goinfre de Phil Spector débarque chez eux. Spector, ou le plus grand producteur soul/pop/rock de tous les temps, un génie aussi grandiose que fou furieux (au sens propre: le gars est actuellement en prison pour meurtre !). Son objectif ? Reprendre les bandes du projet Get Back, et en faire un 33 Tours en quelques sortes posthume. Le nom de Get Back est abandonné au profit de Let It Be. Le disque sort en Mai 1970, un mois après l'annonce officielle de la séparation du groupe par McCartney. Un disque de 35 minutes, relativement court, donc. Pas de Don't Let Me Down ici; en revanche, les autres chansons déjà sorties sont reprises. Get Back pour conclusion d'album, quasiment intacte par rapport à celle que l'on connaissait déjà. En revanche, le solo de guitare de Let It Be a été modifié et rallongé, tandis que Across The Universe est plus sobre, et baissée d'un octave, pour donner les versions définitives. Ces trois chansons, les deux premières de McCartney et la dernière de Lennon, sont devenues des classiques. Si Get Back n'est pas exceptionnelle, les deux autres sont immortelles et, on ne peut le nier, superbes. Surtout Across The Universe, que beaucoup jugent comme étant la dernière grande chanson du groupe. Parce que le reste de l'album est souvent décrié, rejeté. Que vaut-il vraiment ? Bon, c'est vrai qu'il y a des trucs pas top. Les deux intermèdes de 40 secondes, Dig It et Maggie Mae, ne servent strictement à rien; le For You Blue de Harrison n'est vraiment pas jouasse, et One After 909 est médiocre. Mais le reste s'en tire pas mal ! Two Of Us, dans la pure veine McCartney, est excellente, comme I've Got A Feeling et le beau mais néanmoins pompeux The Long And Winding Road. Lennon va dans la sobriété avec le très beau Dig A Pony, et Harrison signe le plutôt efficace I Me Mine. Dans l'ensemble, oui: en dehors de l'éponyme et de Across The Universe, ce Let It Be posthume n'a rien d'exceptionnel, et on est loin de Abbey Road. Ce qui est très chiant, aussi, avec ce skeud, c'est que, entre chaque chanson ou presque, l'auditeur doit se fader les sarcasmes d'un Lennon arrogant qui n'y croit vraiment plus. Mais c'est bien moins naze que certains ont pu dire, et ce Let It Be à la pochette très réussie demeure quand même un album important, le 12ème et dernier opus studio d'un grand, d'un immense groupe. Et John de conclure l'album avec cette phrase qui restera dans les annales: j'espère qu'on a réussi l'audition !

Meilleure chanson: Across The Universe

27 décembre 2011

John Lennon - "Plastic Ono Band" (1970)

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"Aucun artiste ne s'est autant livré que John Lennon sur son premier album" - Lenny Kravitz.

1970, la fusée explose en plein vol: les Beatles, c'est fini. Une nouvelle qui devait tomber, et qui se sentait depuis déjà deux ans, à force d'engueulades, et d'albums qui ressemblaient de plus en plus à une mise en commun des travaux solo de chacun. Mais, pas de problème: John, Paul, George, et même Ringo, continueront tous à assurer dès 1970. En vrai solo, cette fois. Indéniablement, en la matière, 1970 a été une grande année, une très grande année, et même la meilleure, les carrières solo des Scarabées étant toutes très inégales. Si on oublie l'album de Ringo, on obtient, en trois albums, la perfection absolue. George Harrison sort le double All Things Must Pass, un pur monument parfait de bout en bout, comptant parmi les plus grandes oeuvres musicales depuis 1954, naissance officielle du rock. Bien que All Things Must Pass soit incontestablement le plus grand disque d'un ex-Beatle en solo, le premier album de Paul, sobrement intitulé McCartney, est également un sommet. Reste l'album de Lennon. Et c'est de celui-là que nous allons parler, au cas où vous n'auriez pas vu le titre de l'article... Beatle John, donc, après avoir sorti une série d'albums expérimentaux avec Yoko, revient à de la musique écoutable avec son premier album solo, Plastic Ono Band, produit par... tiens tiens... Phil Spector, qui avait également produit le Harrison et le Let It Be des Beatles. Des sept albums solo que Lennon a sorti, Plastic Ono Band demeure sans le moindre doute son sommet, et est un album... comment dire... éprouvant, et émotionnellement terrifiant.

Vous avez bien lu. A travers ces 39 minutes de musique se cache un album littéralement bouleversant. Lennon, nouvellement trentenaire, a voulu, avec Plastic Ono Band, faire sa psychanalyse musicale, exorciser ses démons. Et des démons, le John en a beaucoup. Il n'a que peu connu ses parents, il n'a pour ainsi dire jamais vu son père, et sa mère, Julia Lennon, est morte quand il commençait à bien la connaître. Bref, Lennon n'a pas eu une enfance gaie, et éprouve, à l'époque, de la rancoeur envers les Beatles, et envers McCartney (il le prouvera dès l'année d'après avec How Do You Sleep, une chanson qu'il regrettera). Tout ça, il l'expose dans cet album à la pochette agréable et campagnarde. Le contenu, bien que magistral, n'est pas aussi reposant que le contenant, croyez-moi. Et il s'ouvre sur l'une des intros les plus paralysantes, les plus malsaines, les plus lugubres de toute l'histoire du rock. Quatre coups de cloche, une lourde cloche d'église. Et ce n'est pas les cloches du mariage... Déjà, ambiance ! Mais on n'en est qu'au début. Soudain, subitement, la musique part et Lennon clame Motheeeeeeer, you had meeee, but I never had youuuuuuuu... Cette chanson, c'est Mother. Une chanson absolument terrifiante et terrassante, dans laquelle Lennon parle de sa mère partie trop tôt, mais également de son père, qu'il n'a, donc, quasiment pas connu. Le morceau relève de la pure torture mentale, avec cette batterie lourde, pesante. Et surtout, dans sa fin, alors que l'on est littéralement terrassé par ce que Lennon nous balance, il se met à faire des cri primaux inimaginablement terrifiants à partir de cette phrase qui semble résonner comme un leitmotiv: Mama don't go, daddy come home ! Lennon fait exploser ses peurs enfantines, et en quelques sortes, son orphelinat (ses parents n'étaient pas morts, mais il ne les a pas connu enfant quand même). Il avait déjà écrit sur sa mère: Julia sur le double blanc des Beatles, était grandiose, mais il s'agissait d'une ballade toute calme, acoustique. Ici, il y a toute une force, qui met l'auditeur à genoux à chaque fois. Oui, on pourrait écrire un livre sur Mother, sur ce choc auditif absolu, qui constitue décidément un des sommets les plus Everestiens de Lennon.

John revient au calme avec Hold On, une chanson courte (même pas 2 minutes) qui constitue l'un des moments légers de l'album. En tous cas, après Mother, ça ne fait pas de mal ! I Found Out est beaucoup plus rock, rudimentaire, ténébreuse, vicieuse même. On sent un Lennon énervé, qui en a marre. Ici, il hurle plus qu'autre chose. On vous avait prévenu, cet album est avant tout un défouloir, une cellule d'asile musicale. Résultat, ce I Found Out brut de décoffrage comme rarement chez John, à défaut d'être le sommet de l'album, est efficace et burné, et ne souffre pas de sa production assez primitive (justement, si elle avait été parfaite, ça aurait gâché l'ambiance du morceau !). Maintenant que Beatle John n'a plus Paul et George sur le dos, il peut faire ce qu'il veut sur son album à lui. Et on aurait pas imaginé un morceau folk venir après I Found Out. Et pourtant, c'est le cas. Et c'est même un morceau folk contestataire, digne de Bob Dylan, qui suit. Bienvenue dans LA chanson de Lennon, ou du moins, un de ses classiques absolus. Une chanson qui sera reprise à toutes les sauces (Marianne Faithfull, David Bowie, Noir Désir, Marilyn Manson, Green Day, Bézu...), que tout le monde a déjà entendu une fois dans sa vie, j'ai nommé Working Class Hero. Une diatribe sur la considération de la classe ouvrière, qui sera censurée à la radio, car assez provocatrice. Franchement, que dire d'autre ? Classique total, parfait de ses paroles jusqu'à la gratte. Working Class Hero est une protest song immense, qui se passe de commentaires.

Isolation refermait la face A sur une bien belle note. Ballade mélancolique et sublime, beaucoup trop courte, et qui se laisse aller comme pas deux, jusqu'à sa catharsis, ce passage assez énervé qui constitue sans doute le meilleur moment de la chose. Lennon a rarement aussi bien chanté que sur cette ballade fusionnelle entre piano et batterie, dont Lenny Kravitz, qui semble porter cet album en haute estime (voir sa phrase en haut de la chronique), s'est sûrement inspiré pour son Stand By My Woman magnifique. Dans un autre style, Roger Waters, bassiste du Floyd, dira que Isolation est l'une de ses chansons préférées. Bref, une chanson sublime qui continue d'inspirer, à l'image de Lennon lui-même. La face B s'ouvre sur le chef d'oeuvre absolu Remember. Ici, curieusement, c'est la même recette que Isolation, avec cet espèce de fusion parfaite entre piano et batterie. La mélodie a tout d'une ballade magnifique, et pourtant, le morceau est rapide, speedé. Mais il reste toujours très pop, s'étend sur une durée parfaite. A noter qu'il se termine très subitement, sur un bruit d'explosion, ce qui fait toute son originalité. On a en effet l'impression que Lennon joue à vitesse accélérée, comme s'il savait qu'une bombe allait péter bientôt. Le résultat est magistral, et Remember constitue l'un des tous meilleurs moments de ce premier album solo de Lennon.

Love est un classique, sorti en single à titre posthume, en 1982. On avait proposé à Lennon de le sortir en single à l'époque. Il n'avait pas voulu, pensant que la chanson ne marcherait pas. Il y a de quoi penser ça: l'intro est très calme, le morceau vient très progressivement, et part tout aussi progressivement dans sa fin. Pas très commercial, tout ça. Pourtant, aujourd'hui, Love est un morceau reconnu qui se trouve sur tous les best-ofs de Lennon. Et pour cause, c'est tout simplement... sublimissime. On trouve dans les accords de piano les prémices d'Imagine, et Love est encore plus belle, presque déchirante, même. Pleine d'espoir (un des rares morceaux de l'album qui soit plein d'espoir, sûrement le seul d'ailleurs...), où John les bienfaits de l'amour. Monumental, somptueux. S'en suit le sommet de l'album du point de vue de la durée. Avec 6 minutes ou presque au compteur, Well Well Well est un infatiguable et terrassant blues-rock, qui part ensuite en transe incroyable à la I Found Out. Et comme sur le morceau cité, Lennon est énervé sur Well Well Well. Les paroles sont pourtant légères, mais le John a envie de crier, sur le coup. La production très garage rock est parfaite pour le morceau. Toutefois, Well Well Well se traîne un peu en longueur, et est le morceau que j'aime le moins sur l'album. Mais c'est vraiment pour chipoter: objectivement, c'est un sommet précurseur de groupes garage/blues comme les White Stripes ou les Black Keys.

Le morceau suivant, par contre, est une pure merveille mélancolique comme les feuilles d'automne sur le gravier. Look At Me est un morceau beaucoup trop court, et fantastique du début à la fin. Musicalement, il m'a toujours fait penser à Julia, sauf que cette fois, Lennon se centre sur lui-même. En résulte une chanson très personnelle, qui s'écoute comme si on rentrait dans la peau du bonhomme. Immense. Et enfin, il y a le final. Oh putain, le final. Appelé aussi "sommet absolu de Lennon en solo", voici God. Et là, on atteint le septième ciel. God est tout simplement un des plus grands morceaux jamais écrits par John Lennon. Le gars présente sa vision de Dieu. D'après lui, "Dieu est un concept par lequel nous mesurons notre souffrance". Puis il expose un tas de choses ou de personnes auxquelles il ne croit pas, ou plus. De la Bible à Hitler en passant par Bob Dylan. Et quand il en arrive à "I don't believe... IN BEATLES", silence vif et absolu. La dernière minute de la chanson est absolument bouleversante: "I was the walrus, but now, I'm just John"... Avant de conclure par cette phrase qui hantera longtemps l'auditeur, "The dream is over". Cette chanson veut dire, est l'exorcisme Lennonien de 30 ans d'existence. En 4 minutes. The dream is over, oui, car il n'est plus là, le Lennon ambitieux et plein d'avenir des Quarry Men. Il n'est plus là, le Lennon attachant et gentiment niais de la Beatlemania. Il n'est plus là, le Lennon hippie, moustachu et compositeur de mini-opéras rock psychédéliques et défoncés. Il n'est plus Beatle John. Qeulque part, en gagnant son indépendance musicale, il a accompli un acte de maturité incroyable, et tout est résumé dans ce God littéralement époustouflant. Inutile de dire que musicalement, c'est Byzance miniature sur son lit de caviar. Lennon a toujours ce petit pincement au coeur, ça se ressent dans sa voix. Il s'est rarement fait aussi grandiose, personnel, et l'auditeur en sort déboussolé, épuré. Dire que ces grands nigauds de U2 donneront une suite (ratée, en plus) à ce morceau... Quelle honte. God est l'une de ces chansons qui vous retournent toujours autant 10 000 écoutes après. Un morceau grandiose, la perfection même.

On terminera sur cet épilogue presque consternant de tristesse. My Mummy's Dead, 50 secondes comme sorties d'un vieux transistore, où John chante que sa mère est morte, et son désarroi. Mon dieu, rien que le titre annonce la couleur. C'est... horrible, dans un certain sens du terme. Une fin choc, brutale, à l'album, comme si God n'avait pas suffi... Inutile de préciser, après, que Plastic Ono Band n'est pas vraiment l'album à écouter au réveil. C'est une véritable expérience, une question philosophique mise en musique, sur la condition d'une star du rock dont la vie n'a pas été facile. Il a suffi de ce disque pour tout épurer dans la tête de John. Dès l'année d'après, avec son sublime deuxième album Imagine, on sentira un Lennon changé, trentenaire. Finies les conneries, je suis heureux avec ma Yoko, même si tout ne sera pas rose (la fameuse période du Lost Weekend est encore à venir...). Reste cet album monumental, choc inégalé et toujours aussi dérangeant, composé de pas moins de quatre putains de classiques Lennoiens, et sans le moindre doute la 2ème plus grande oeuvre d'un ex-Beatle en solo, juste derrière All Things Must Pass. Précisons enfin que, la même année, Yoko Ono sortira également un Plastic Ono Band, avec la même pochette, mais des chansons différentes, "chantées" (pour ne pas dire "braillées", "aboyées") par elle. Des deux albums, la légende retiendra celui de John.

La légende est vraiment bien foutue.

1. Mother (5.34)

2. Hold On (1.52)

3. I Found Out (3.34)

4. Working Class Hero (3.47)

5. Isolation (2.51)

6. Remember (4.32)

7. Love (3.20)

8. Well Well Well (5.57)

9. Look At Me (2.53)

10. God (4.12)

11 My Mummy's Dead (0.49)

26 novembre 2011

Led Zeppelin - "Physical Graffiti" (1975)

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Aaaaah, Physical Graffiti.

Le cas Physical Graffiti.

Sorti en 1975, voici le sixième album studio de Led Zeppelin, et aussi leur ante-pénultième, j'ai nommé, comme vous vous en doutez, Physical Graffiti. Avec sa pochette montrant les mêmes immeubles qui serviront six ans plus tard dans le clip de Waiting On A Friend des Rolling Stones, Physical Graffiti est l'unique double album studio du groupe de Jimmy Page, et aussi, vraiment, un cas particulier. En 1974, le groupe, au sommet de sa gloire, est fatigué, sort d'une immense tournée qui sera retranscrite par le film The Song Remains The Same. Mais, pas de répit, un groupe qui a offert cinq chefs d'oeuvre absolus au monde du rock en quatre ans d'existence ne doit pas se reposer. Et il faut à nouveau plancher sur un disque futur. Ce qui nécessite l'écriture et l'enregistrement de nouvelles chansons. Et ces chansons, il faut qu'elles aient de la gueule, il faut que ça plaise au monde entier, que ça rapporte des sous, un triomphe, des sous, des number ones, des sous, l'envie de faire un nouvel album ensuite, et des sous. Alors notre dirigeable exténué va être piqué par une aiguille mêlant flemmardise et idée de génie qui pourrait passer inaperçue. Cette idée fainéante, c'est de faire un disque composé d'une moitié de nouvelles chansons, et d'une moitié de fonds de tiroir. Ainsi naquit Physical Graffiti. A sa sortie, le disque niquera tout pour Led Zep: et que je me classe N°1, et que je te remplis cinq Earls Court d'affilée, et que je te vends 16 millions d'exemplaires... Problème: cet album est bien moins fort que les cinq précédents albums du groupe, les grandioses Led Zeppelin, II, III, IV et Houses Of The Holy. Il est également bien moins fort que l'album suivant du groupe, le grandiose (même si pas exempt de défauts) Presence. Et pourtant, il va être bien plus intéressant à chroniquer que tous les autres albums cités. Pourquoi ? Parce qu'il y a absolument de tout, dans ce double blanc Zeppelinien. Les 15 titres (pour pas loin d'1h30 de musique) de Physical Graffiti offrent à la fois de l'immense, du très bon, du médiocre, et du très mauvais. Bref, Physical Graffiti est un album inégal.

Un album, comme on a pu le voir, fainéant, aussi. Et pourquoi double, d'abord ? Ca aussi, on se le demande: parce que si l'on n'avait retenu que 45 minutes des 82 que le disque dure, on aurait peut-être eu l'incontestable chef d'oeuvre de Led Zeppelin. Et merde. Commençons par le début, c'est-à-dire par le premier disque. Une première partie de 39 minutes, pour six titres... Et indéniablement la meilleure. Tout s'ouvre sur Custard Pie. Dès les premières secondes, on a bien l'impression que l'on a retrouvé le Led Zep des débuts. En effet, dans l'épisode précédent, c'est-à-dire Houses Of The Holy de 1973, le groupe avait totalement changé d'optique, voulant se défaire de son étiquette "hard rock" (qui, de toute façon, ne convient pas du tout à Led Zeppelin, quand on s'y penche de plus près). Mais Custard Pie est, et c'est incontestable, une chanson qui ramène à la base, à l'époque de Led Zeppelin II, l'album le plus agressif et sauvage du groupe. Après, une fois que l'on a dit ça, pas de quoi sauter au plafond en ce qui concerne Custard Pie. C'est un très bon titre, évidemment, avec un superbe riff, et qui fait une parfaite ouverture, mais on a connu mieux en la matière, chez Led Zep. The Rover, par contre, est le premier morceau de l'album que l'on peut qualifier d'immense. Là, par contre, c'est clairement le paradis, même si pas la meilleure chanson du disque. Mais ici, on est face à un titre qui aurait pu se trouver sans honte sur le II ou le IV. Rythmique parfaite, Jimmy Page en état de grâce, Plant à la voix légèrement éraillée... The Rover est un classique instantané.

Pour l'instant, le bilan est plutôt bon: un titre d'ouverture tout à fait correct à défaut de briser les vitres, et un autre qui remet les burnes en place. Malheureusement, tout va être plombé. Plombé, à cause des 11 minutes qui complètent la face A. Le plus long morceau de toute l'histoire de Led Zeppelin, j'ai nommé In My Time Of Dying. Et pour être franc, au moment de ma mort, je n'ai pas envie qu'on me passe ça. Alors, ce n'est pas horrible, on n'est pas non plus dans Boogie With Stu... Mais, mon Dieu, qu'est-ce que c'est long !! Le fan Zeppelinien que je suis peut vraiment se faire suer, sur le coup. Le morceau est absolument interminable, et en plus, c'est fouillis. En fait, on peut se demander l'interêt de In My Time Of Dying. A part remplir un trou dans l'album. Bref, pas grand chose à retenir de ce truc 'too much' et assez chiant. On passera également sur le médiocre Houses Of The Holy qui suit. Chanson qui, comme son nom l'indique, devait se trouver sur le précédent cru du groupe, mais qui, à part son titre, ne sera pas retenue. Et tant mieux.

Tout de suite, le bilan se casse un peu la gueule. Mais pas de panique. Car voilà qu'arrivent, côte à côte, les deux sommets absolus de Physical Graffiti. Là, on s'attaque à du très lourd, à deux des plus grands moments de l'histoire Zeppelinienne, deux des... disons... 20 plus grandes chansons du groupe, sans hésitation ! Et la première, c'est Trampled Under Foot. Et alors là, déjà, les mots me manquent. 5'30 de pure féérie. On sait que le Zeppelin a toujours été attiré par la musique funk. Ca se ressentait déjà avec The Crunge sur Houses Of The Holy: une chanson honnête, pas exceptionnelle mais qui délivrait tout de même la marchandise. Peu importe, le Zeppelin n'était pas encore au top pour faire du funk. Mais ici... Putain, ici... Trampled Under Foot est une sorte de hard-funk démembré totalement magistral. Une tuerie qui déchire en sept morceaux le slip kangourou de la mère du voisin, qui a 55 ans, collectionne les balais à chiottes, et mange des nachos au fromage fondu en regardant des vieilles VHS enregistrées de La Ferme Célébrités. Je ne vois vraiment pas quoi dire d'autre que ces conneries, tellement Trampled Under Foot doit être écoutée.

Et le deuxième moment imparable, probablement encore plus fort que Trampled Under Foot, c'est Kashmir. Et là encore, que dire ?? Dans le sens où cette chanson est l'une des trois plus connues et emblématiques de Plant, Page, Jones et Bonham avec Whole Lotta Love et Stairway To Heaven ? Kashmir, qui sera massacrée 20 ans plus tard par je ne sais quel rappeur (Puff Daddy, je crois... et en même temps, je m'en contrebranle), est un tube interplanétaire. Sérieusement, qui sur Terre ne connaît pas ces cordes angoissantes et faussement orientales, propulsées par une rythmique grandiose ? Kashmir se rapproche de la perfection totale, fait sans le moindre doute partie des 5 plus grands morceaux de Led Zep avec Since I've Been Loving You, Achilles Last Stand, When The Levee Breaks et l'inénarrable Stairway To Heaven. Kashmir, c'est ça, c'est une claque totale dans la gueule avec Plant en état de grâce, et une section Jones/Bonham qui aura rarement été aussi efficace. Un pur monument refermant le disque 1 de Physical Graffiti.

Le disque 2, lui, contient 9 chansons, pour 43 minutes. Et là, il va falloir trier, parce que c'est un tel foutoir entre le bon et le mauvais, qu'on ne sait plus qui est quoi. Par chance, ça s'ouvre avec un morceau monumental, que certains trouveront trop long (presque 9 minutes...), mais pas moi. Ici, le Zeppelin choisit des sonorités indiennes, et c'est ce qui donne In The Light. Encore une fois, on est face à un grand chef d'oeuvre de l'album. Un morceau fleuve et pourtant très méconnu, qui navigue entre l'inquiétant et le territoire protégé, et donne au final un trip assez remarquable, et rare, pour du Led Zeppelin. Autant In My Time Of Dying pulvérise le record de longueur pour une chanson studio du groupe, autant pour Bron-Yr-Aur, c'est l'inverse. Cet instrumental de la part de Jimmy Page est, avec ses deux minutes tout rond, le morceau le plus court de Led Zep. Bron-Yr-Aur, ça rappelle quelque chose... Ca rappelle la sublime tentative country Bron-Yr-Aur Stomp, présente sur le troisième album du groupe. Et justement, ce Bron-Yr-Aur (nom venant d'un cottage anglais, si je ne m'abuse) date de la même époque. Et c'est une sublime partition de gratte acoustique, beaucoup trop courte. Une sorte d'intermède que l'on peut entendre dans le film The Song Remains The Same (quand le groupe arrive à New York). Superbe.

Bon, et bien, il faut avouer que depuis Trampled Under Foot, on ne s'est pas trompé sur la marchandise ! Malheureusement, ça ne va pas durer, la chanson suivante se rapprochant assez du désastre. Je veux parler de Down By The Seaside. Et là, Led Zep fait de la pop. Vous avez bien entendu. Down By The Seaside pourrait aller à Steely Dan. Mais qu'est-ce qui a donné à Page l'envie de faire ça ? C'est joli, mais c'est quand même totalement foiré... Pas la catastrophe absolue de l'album (ça ne va pas tarder...), mais quand même une grosse déception. Retour aux sources avec le génial Ten Years Gone. Et ça, ça fait du bien. Sans doute le dernier morceau ici que l'on peut qualifier d'immense. Ca ne tape pas dans le Zeppelin habituel, c'est un peu plus calme, mais tout aussi bon. Et absolument sublime, aussi. Ce qui est assez horripilant, c'est que, juste après ces six minutes de bonheur, on repart dans le néant, avec Night Flight. Un morceau, comme Houses Of The Holy, assez anodin, anecdotique. Il ne se passe rien dedans, et on s'emmerde vite. The Wanton Song s'en tire déjà bien mieux. Pas grandiose, mais tout de même efficace. Assez bourrin, ce titre, même, un bon vieux hard rock digne des premiers albums. Pas grand chose d'autre à dire dessus à part que ça fait du bien par où ça passe !

And now, ladies and gentlemen... Je vous avais promis LA catastrophe, la voilà. Boogie With Stu. Rien que le nom est con. Sorte de boogie-blues (au moins, le titre ne ment pas !) enregistré avec Ian Stewart au piano. Ian Stewart, le légendaire sixième Stones. Celui qui n'a jamais fait partie officiellement du groupe de Mick Jagger, mais toujours officieusement. Et qui a apporté ses claviers à des morceaux Stonesiens qui ne sont rien sans piano, tels que She's A Rainbow. Mais là, le voilà qui bosse avec le Zeppelin. Et franchement, cette chose, même dans le plus piètre disque de démos et d'inédits qui soit, n'aurait JAMAIS du sortir. Mon Dieu, c'est tout simplement... atroce, horrible. Du niveau de Candy Store Rock sur Presence, de Hot Dog sur In Through The Out Door, bref, des pires merdes de Led Zeppelin. Je ne veux même pas décrire le morceau, j'ai d'autres choses à foutre. Allez, assez parlé de ça.

Et le pire dans toute cette histoire, c'est que le Black Country Woman qui suit n'est guère mieux, ou alors à peine. Là non plus, pas envie d'en parler. Merde alors, Led Zeppelin voulait absolument foirer sa face D ou quoi ? Bon, remettons-nous d'aplomb avec le dernier titre, celui qui clôt. Sick Again est la chanson qui s'en tire le mieux, sur la face D. Mieux encore que The Wanton Song. Là, heureusement, on est dans de l'excellent, avec un superbe riff de Page, qui prouve qu'il n'a rien perdu (ouf ! c'était limite...). Physical Graffiti se termine comme il a commencé: avec une chanson qui, sans être grandiose, demeure d'un très bon niveau.

Bilan final: 5 morceaux immenses (The Rover, Trampled Under Foot, Kashmir, In The Light, Ten Years Gone), 4 très bons (Custard Pie, Bron-Yr-Aur, The Wanton Song et Sick Again), 4 médiocres (In My Time Of Dying, Houses Of The Holy, Down By The Seaside et Night Flight) et 2 nuls à chier (Boogie With Stu et Black Country Woman). Physical Graffiti, pour Led Zep, marque indéniablement le début de la fin. En six albums, c'est le premier à comporter de véritables signes de perte de vitalité. Des signes qui se retrouveront sur les deux derniers albums de la bande, Presence et In Through The Out Door. Mais, malgré son inégalité, Physical Graffiti demeure un véritable objet de culte, et un album qui, 35 ans après, continue de faire le débat, entre admiration et dénigration. On est vraiment en droit de se situer entre les deux, mais, parce que c'est Led Zeppelin, le premier l'emporte, inévitablement !

CD 1

1. Custard Pie (4.13)

2. The Rover (5.37)

3. In My Time Of Dying (11.05)

4. Houses Of The Holy (4.15)

5. Trampled Under Foot (5.34)

6. Kashmir (8.29)

CD 2

1. In The Light (8.48)

2. Bron-Yr-Aur (2.03)

3. Down By The Seaside (5.17)

4. Ten Years Gone (6.32)

5. Night Flight (3.36)

6. The Wanton Song (4.08)

7. Boogie With Stu (3.53)

8. Black Country Woman (4.24)

9. Sick Again (4.42)

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29 octobre 2011

The Stooges - "Fun House" (1970)

The_Stooges_-_1970_Fun_House_(Front)

Rien qu'à la pochette, on sait que cet album est une claque. Qu'il l'était à sa sortie, en 1970, et qu'il l'est toujours autant 40 ans après. 36 minutes de furie noire, c'est ce qu'est Fun House, deuxième album des Stooges. Groupe culte s'il en est, sorte de The Doors x100, précurseur du punk-rock et du heavy metal, composé d'un jeune fou-furieux à tête d'iguane, nommé Iggy Pop... ainsi que de Dave Alexander, et des frères Ron et Scott Asheton. Découvert par le génial John Cale, qui venait alors de quitter le Velvet Underground, le groupe avait déjà eu un fier impact avec leur premier album, de 1969, produit par Cale et qui contenait moult furies garage rock qui deviendraient des classiques absolus et instantanés, I Wanna Be Your Dog en tête... Toutefois, le premier disque des Stooges, produit avec les pieds malgré Cale, contenait aussi, pour un nombre maximum de classiques, quelques chansons mineures, anodines. Un an plus tard, les Stooges reviennent avec une production en béton, sans le moindre doute la meilleure parmi leurs trois albums. Ils jouent de la pure bombe, de la violence musicale pure et gratuite. Pour la première fois depuis longtemps, un disque sort, qui va déraciner les oreilles des auditeurs. Qui va faire exploser les platines. Fun House est là et révolutionne le rock. Avec ce disque, les Stooges parviennent à rendre le hard rock, alors en pleine expansion, ringard: eux, ils vont beaucoup plus loin, et le prouvent avec un bordel sonore incroyable, un trip rare et précieux mais bien crade. 7 titres, 36 minutes, et un putain d'album de rock'n roll, qui dépote sévère et paraît encore violent aujourd'hui, comme s'il était sorti hier.

Dès les premières secondes, on sait qu'on va avoir affaire à une claque sans précédent. Avec un riff des plus saignants qui soient. Iron Maiden et Metallica sont là avant l'heure, tenez-vous bien, ceci est Down On The Street. Iggy donne l'ambiance, hurle comme un damné. Pour le reste, c'est aux bons soins de la gratte. Une chanson qui pourrait bien figurer dans le classement des meilleurs riffs de l'histoire du rock, des meilleures ouvertures d'albums, aussi. C'est du sauvage, c'est du crade, c'est du sans concession, les Stooges n'ont jamais sonné aussi réels. Classique instantané, Down On The Street est fabuleuse, et un des sommets absolus du groupe. On sent le rock réincarné, on sent que Fun House est une pure révolution. Loose est dans la même veine. C'est la chanson la plus courte de l'album, mais pas la moins bonne pour autant... Que dire ? C'est exactement la même chose que Down On The Street: un classique absolu dès la première écoute, doté d'un refrain immense où Iggy fait des merveilles, d'un riff monstrueux et de grattes imparables. La machine Fun House est lancée, elle est bien chaude, et c'est une machine fiable.

Dur de passer après une telle ouverture d'album. Pourtant, T.V Eye relève le pari. Bon, qu'on se le dise, cette chanson n'est pas aussi grandiose que les deux premières. En même temps, difficile de passer après de tels monstres. Mais T.V Eye montre un Iggy en grande forme, et est une chanson, quelque part, assez oppressante. Dave, Ron et Scott mettent le paquet niveau musical. T.V Eye est une furie bourrine bien assumée et qui fonctionne. Un classique, aussi. Après, de là à dire que c'est la meilleure chanson de l'album... Pour vous dire, malgré Down On The Street, on n'y est pas encore arrivés, au sommet de Fun House ! La face A se terminait sur Dirt. Le cas Dirt. Pour l'unique fois dans ce disque de malades, c'est l'occasion pour les Stooges de prouver qu'ils ne sont pas qu'un groupe de bourrins talentueux qui ont laissé le cerveau dans les coulisses avant de monter sur scène. Ici, le groupe d'Iggy balance la grosse marchandise... à l'aide d'un blues. Et alors, d'un putain de morceau de blues. 7 minutes délectables... à l'image de cette géniale ligne de basse qui nous accompagnera tout le temps que Dirt dure. Au niveau des paroles, c'est une chanson sur un nullard intégral, mais qui n'en a rien à foutre. On peut affirmer rien qu'à la phrase qui revient tout le temps, cette phrase emblématique: I feel dirt but I don't caaaaaaaare ! Comme toujours, la gratte est magnifique d'agressivité, et Dirt est un morceau où règne une espèce de violence latente assez dérangeante. Ca serait presque l'intrus de l'album, car c'est clairement l'unique morceau qui ne soit pas une furie monstrueuse et sanglante. Malgré ça, il remplit sa tache et est à nouveau un pur sommet. Une fois qu'on a entendu ça, on n'a plus qu'une seule envie: retourner la chose noire. En route pour la face B !

Et là, grands dieux... Le sommet absolu de l'album est ici, c'est 1970, point barre. Alors là, je ne vois pas quoi dire. 1970 est une évidente réponse de par son titre au 1969 de l'album précédent. Qu'on se le dise, c'est probablement le morceau le plus agressif de Fun House. Et aussi le plus merveilleux, le plus fantastique, le plus inoubliable. Total précurseur du punk-rock, aussi. Iggy est survolté, braille comme un damné des I feel alriiiiiiight terrifiants durant toute la longueur du morceau. Musicalement, c'est Byzance transformée en paradis hard-rock. Bref, les mots me manquent pour définir cette claque sonore insensée, qui demeure probablement le plus grand morceau des Stooges (en tous cas, mon préféré absolu) et un des plus grands morceaux de l'histoire du hard-rock. Monumental. Iggy continue de hurler I feel alright sur le morceau suivant, Fun House. L'éponyme, et le plus long de l'album, avec quasiment 8 minutes au compteur. Ici, un saxophone imposant se fait entendre (il est également présent sur 1970, mais dans une bien moindre mesure), et l'ensemble sonne presque... hard-jazz. L'Iguane se fait l'égal d'un interné, d'un grave psychopathe mental, et a de quoi réveiller un sourd qui dort sous somnifères de l'extrême. Cette Fun House est plus une slaughter house (abattoir...) qu'autre chose. On est plongé dans un fantastique trip dont on ne ressort pas indemne, et on a la preuve que la face B est bien plus trash et carton que la A, qui était déjà bien gratinée. Encore un morceau énorme. Un sixième. Dans lequel on ne voit pas le temps passer... Enfin, place à L.A Blues. Aaaaah... Le cas de l'absolu qu'est L.A Blues. Une torture pour tympans. Clairement, cet instrumental n'a pas d'autre ambition que de foutre en l'air les oreilles de l'auditeur.

Et ça marche.

En quoi consiste L.A Blues ? Un bordel fou furieux, complètement défoncé. Pas de rythmique, pas de riffs, absolument rien si ce n'est du bruit fait avec des instruments. On ne va pas se mentir: L.A Blues reste le morceau le plus faible de l'album, mais il possède un certain charme qui empêche l'auditeur de le zapper. Tout le potentiel Stooges est là, et la violence encaissée avec Fun House se révèle au grand jour dans ce bordel que certains trouveront interminable, mais qui est indéniablement une fin complètement zarb et appropriée pour l'album. Voilà ce qu'est Fun House. Un chef d'oeuvre absolu et taré, pendant 36 minutes clairement couillues... Le groupe est à sa meilleure forme et signe un des plus grands albums de hard-rock et de proto-punk qui soient. Une oeuvre aussi frappadingue et étrange que sa pochette, qui envoie tout chier en beauté, y compris le rock tant adulé de l'époque. Ici, c'est du rock nouveau, c'est du motherfuckin' rock'n roll révolutionnaire, qui aurait pu sortir hier qu'on s'en serait pas rendu compte. Et que c'est bon ! I feel alriiiiiiiiiiiiiight !

1. Down On The Street (3.42)

2. Loose (3.33)

3. T.V Eye (4.17)

4. Dirt (7.00)

5. 1970 (5.15)

6. Fun House (7.44)

7. L.A Blues (4.58)

18 septembre 2011

Neil Young - "On The Beach" (1974)

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Dépression, dépression, alcool, dépression, alcool, alcool, dépression... Voilà l'état dans lequel est Neil Young en 1974. En cet an de grâce, le Loner canadien est en pétage de plombs total. Deux ans auparvant, son album Harvest est un pur triomphe à échelle internationale, mais des problèmes apparaissent dans le groupe qui l'accompagne, le Crazy Horse. Problème survenant de Danny Whitten, le guitariste. En effet, ce dernier est accro aux drogues dures, et notemment à l'héroïne. Devenant vite ingérable, il est viré à coups de pompes par le Loner. Mais Young est un type humble; il ne veut pas laisser son pote dans la merde, et lui file une petite aide financière en guise d'adieu. Cette aide financière partira dans une dose d'héro qui sera fatale à Whitten. Et ça, le Loner ne s'en remettra jamais. Commence une longue dépression qui s'étalera sur trois ans et ne va pas aller en s'arrangeant. Quelques mois après la tragédie Whitten, Bruce Berry, le fidèle roadie du Loner, décède lui aussi. Et on rajoute à la dépression un alcoolisme aggravé... La tournée de 1973 est envahie par une profonde joie de vivre et des instruments puant le whisky. Néanmoins, Young enregistrera live (mais seulement avec des morceaux inédits, en revanche !) le premier volet d'une trilogie dépressive. Cet album, c'est Time Fades Away, une disque rageux qui n'existe toujours pas en CD de nos jours, ce qui est une honte... Il enregistre ensuite toute une série de morceaux, en studio cette fois. Le résultat final est Tonight's The Night. Mais la maison de disques refuse tout net de produire un disque aussi sombre venant de la part d'un génie en pleine gloire. Tonight's The Night sera finalement le troisième volet de la trilogie dépressive, et sortira en 1975. Le disque n'étant pas accepté dans l'immédiat, il faut un autre album à Young. Et de ce côté là, il va pondre la marchandise attendue. Pire, il va réaliser dans la foulée son chef d'oeuvre absolu. Un album plus jusqu'au boutiste encore que Tonight's The Night niveau dépression, mais que la maison de disques acceptera quand même. Et ce disque, deuxième de la trilogie du Loner, sort en 1974. Il s'agit de l'exorcisme par la musique d'un homme perdu. Il s'agit de l'album dont nous allons parler maintenant. Il s'agit de On The Beach.

La pochette donne le ton. Clairement, il s'agit de la plus belle de toute la discographie du Loner. Et une des plus belles de toute l'histoire du rock, carrément. Une de mes pochettes de chevet. Un joyau photographique, qui dégage une mélancolie aussi profonde qu'un soir d'automne sur la terrasse du 5ème étage. Le Loner ne se montre pas, est de dos. Pourtant, quelques clichés souriants seront faits, mais ne seront même pas gardés pour le verso... La joie, ici, c'est la mort. Elle ne doit pas se montrer. Et puis, même, de toute façon, il n'y en avait pas dans le caisson du Loner à cette époque... Young est donc pris de dos, et en plus, de loin. Il a enlevé ses chaussures. L'image terrible d'un homme prêt à passer à l'acte de la manière la plus naturelle qui soit: la mer. Les chaises d'un vide écoeurant, symboles de Whitten et Berry ? Et cette voiture enfouie au fond du sable ? What's the fuck ? Alors, oui, je vois des symboles là où il n'y en a pas, probablement... Il n'empêche que cette pochette me fout le cafard autant que l'album en lui-même. C'est inimaginablement beau, mais c'est aussi totalement plombant et triste.

Le contenu, rassurez-vous, n'est pas en reste ! Huit titres, pour quasiment 40 minutes dans un monde qui n'est ni le paradis, ni l'enfer... Qui est un outre-monde assez vagabond, assez méconnu, mais dans lequel Neil n'hésite pas à s'aventurer. Pourtant, il attaquera l'album sur un morceau court, plutôt conventionnel, joyeux (tout est relatif, hum ?) si on le compare au reste. Walk On est une intro racée et sublimissime, au riff se retenant immédiatement. Dès que la sublime voix de Neil (autant il n'en avait plus sur Tonight's The Night, autant là, il explose le quotat de beauté vocale) retentit, on sent le malaise. On sent la dépression chronique qui est bel et bien là, et ne s'en ira que difficilement. Au moyen de la musique, sûrement. Bref, si Walk On ne prépare pas au cataclysme suicidaire de la chanson suivante et de la face B, c'est une chanson efficace qui convainct tout de suite l'auditeur.

Toutefois, même si cette intro est d'enfer, certains pourront penser que le gros du disque commence avec See The Sky About To Rain. Une ballade magistrale organisée selon des critères dépressifs type. Dès la première seconde, quand cet Hammond (ou, si c'est juste un synthé, ça reste drôlement beau et réussi) surgit du vide, un profond malaise s'organise entre Neil et son auditeur. Pour cinq minutes, on a Neil, ou du moins son esprit, en face de nous. On est son unique spectateur. Il est bien présent, aux claviers, et expose son mal-être au grand jour. Mais ce malaise est quelque chose de profondément personnel qui ne peut être compris que par un seul musicophile à la fois. C'est pourquoi Neil va à la rencontre de chaque auditeur, un par un. Pendant les seules cinq minutes de See The Sky About To Rain, avant de disparaître à nouveau dans le néant. Ou dans un studio à Toronto. Ou dans les deux. See The Sky About To Rain est un exorcisme personnalisé. Peut-être le morceau qui illustre le mieux la torture morale du Loner à l'époque. Un morceau à ne pas écouter à jeun, vous êtes prévenus ! Mais qui réveillera le double du Loner qui est en chaque musicophile. Un effet plombant incroyable pour un sommet absolu, un chef d'oeuvre profond et difficilement définissable, dans le fond. Déchirant, en réalité. Le temps se couvre...

Participation de David Crosby pour Revolution Blues, premier des trois morceaux de l'album à conteni de mot "blues" dans son titre. Ici, c'est bien plus rock et réveillé que See The Sky About To Rain, mais c'est au moins tout aussi trippant. Neil prend un faux air à Bob Dylan tout au long du morceau, dans sa façon de chanter. La rythmique est d'enfer (la basse !), et ces solos de gratte, divins. Difficile de parler de Revolution Blues, car, là encore, on est face à un monument absolu. Un des sommets de l'album, peut-être même le sommet de la face A. D'ailleurs, c'est même sûr. Une puissance monumentale qui vient prouver que l'alcool ne ruine pas forcément le talent. Tout le talent de Neil est là-dedans. Vous m'avez compris, Revolution Blues est une date. On The Beach est un disque qui alterne assez bien l'ambiance. For The Turnstiles est une incartade au banjo tout à fait douce et calme, très rurale, qui pourrait presque passer pour le moment de répit du disque. Après, sans pour autant être mauvais, For The Turnstiles reste la chanson la plus faible de l'album. 3 petites minutes, pourtant, on s'emmerde un peu parfois. Sans doute le côté rural est-il un peu trop poussé, sans doute je n'aime pas le banjo. Mais la voix de Neil fait des merveilles. A défaut d'être un monument, For The Turnstiles est extrêmement sympa et saura satisfaire le fan Loneresque de base.

Fin de la face A avec Vampire Blues... Ici, le terme blues n'est franchement pas usurpé ! En effet, ici, le Loner se fait bluesman de base. Le résultat est difficile d'accès, dans le sens où l'on acrrochera pas de suite à la chanson... Mais, au bout de quelques écoutes, Vampire Blues s'avère être un joyau presque oppressant, et un petit blues délectable tout en restant sombre, bien dans la tonalité de l'album. La face A aura été marquée par une ambiance pesante et des moments de désespoir (See The Sky About To Rain évidemment, mais aussi Revolution Blues) qui poussent immédiatement l'auditeur à retourner le vinyle. De quoi se rendra-t-il compte ? Que, lors de la face A, il n'a encore rien découvert...

Nom de Dieu de merde, qu'elle est gratinée, la face B ! Clairement, enlevez toute corde qui traînerait à côté de vous ! Pour peu que vous soyez un tantinet sensibles, vous n'allez pas supporter cette face B tout simplement suicidaire. La face B s'ouvre sur le titre éponyme de l'album, soit les sept minutes tout rond de On The Beach. Le pilier central. Le sommet absolu du skeud, ce qui veut tout dire. Et même mieux, un des grands sommets du Loner. C'est très très très sombre et dépressif, et, grosso modo, que dire ? Répétitif, mais on ne s'en rend jamais compte. Long, mais on ne s'en rend pas compte non plus. Le temps passe à la vitesse de la lumière, malgré le côté plombant de la chose. Neil arrive à faire passer une émotion extraordinaire avec si peu de choses... Un rythme lent, un riff lourd et pesant comme un soir d'orage. On The Beach, avec participation de Graham Nash, est un choc auditif pour n'importe quel fan de Young, un morceau qui emmène loin au risque de ne plus jamais revenir. Le Loner est au summum de son enfer moral, et en fait quelque chose de beau. Voilà, c'est beau. Je suis con des fois, parce qu'il n'y a que ça a dire, c'est beau ! Tout le reste est du remplissage ! A quoi sert cette chro, d'ailleurs ?

M'enfin... Le morceau pouvant servir d'entracte aux deux monstres de la face B est Motion Pictures. Une chanson très sobre tout en restant lourde. Sorte de version trash de For The Turnstiles. Acoustique également. Une splendeur qui, si elle ne fait pas partie des meilleurs moments de l'album et a le défaut d'être coincée entre deux magnificences absolues, demeure bien représentative du climat de l'album. Enfin, On The Beach se paie le luxe de terminer en beauté. Mais quand je dis en beauté, c'est en beauté, hum ? Le final de l'album peut directement se hisser au rang du titre éponyme de l'album. Et le morceau en question, c'est les 9 minutes complètement Dylanesques de Ambulance Blues. Gratte acoustique, harmonica, voix. Répétitif par pur principe folk, mais, comme sur On The Beach tout à l'heure, on ne s'en rend absolument pas compte. Ambulance Blues, cette si belle furie folk, laisse pantois et rêveur, et ne donne qu'une envie, remettre l'album au début. Un morceau fleuve qui est la fin parfaite pour un disque de ce genre. Encore une fois, loin d'être à écouter au réveil... Reste cette mélodie sublimissime, et Neil qui prouve une fois de plus qu'il peut très bien égaler Dylan quand il le veut. Ambulance Blues possède cette ambiance si particulière de triste gai. Un morceau plombant (petit exercice pour la fois prochaine: calculer combien de fois le mot "plombant" est utilisé dans cette chro !) mais dégageant tout de même, dans son fond, une très légère lueur d'espoir. Une lueur se cachant quelque part dans sa musicalité, mais qui ne veut pas vraiment se montrer. C'est un peu ça, Ambulance Blues. Quoiqu'il en soit, un morceau magistral; on ne pouvait rêver meilleure conlusion !

Compte tenu du fait que Tonight's The Night a été enregistré avant, on peut considérer que On The Beach est l'aboutissment final de la dépression de Young. Neil, ici, est au fond du trou, il n'en peut plus. Et il arrive à produire à partir de là, sa plus belle oeuvre. Une oeuvre aussi forte que Pink Moon de Nick Drake, une oeuvre aussi puissante que, dans un autre style, Pornography des Cure... On ne s'attend pas à ça d'un album de Neil Young, et pourtant, On The Beach fait le même effet que les classiques cités. Pour une fois, je ne m'attarderais pas dans la conclusion, un tel album n'en a pas besoin. Juste résumé en quelques mots, On The Beach est un pilier méconnu, constituant le pinacle même du Loner. Si vous aimez Patrick Sébastien, pas besoin de se pencher sur ce disque, mais si vous aimez les chefs d'oeuvre torturés, alors, il vous tend les mains... D'ailleurs, il en a marre de tendre les mains, qu'attendez-vous ??

1. Walk On (2.42)

2. See The Sky About To Rain (5.02)

3. Revolution Blues (4.03)

4. For The Turnstiles (3.15)

5. Vampire Blues (4.14)

6. On The Beach (7.00)

7. Motion Pictures (4.23)

8. Ambulance Blues (8.56)

23 août 2011

Stevie Wonder - "Songs In The Key Of Life" (1976)

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L'accomplissement final. Le pinacle. La huitième merveille du monde. Le huitième art à lui seul... Voici quelques manières de résumer en une phrase Songs In The Key Of Life. Le sommet d'un génie absolu de la musique: Stevie Wonder. Comment je vais m'y prendre pour parler d'un tel album ? Bon, ça va être difficile, mais bon, sait-on jamais... Essayons. En 1972, Stevie Wonder laisse exploser son génie avec Talking Book, l'album de la maturité, un disque acclamé par la critique et les fans. Fort heureux du succès de son skeud (qui contenait quand même You Are The Sunshine Of My Life et Superstition, on n'est pas là pour rigoler...), le jeune génie aveugle et multi-instrumentiste récidive avec le mythique Innervisions de 1973, un album remarquable qui achève de faire de Stevie Merveille une star mondiale de la musique. L'album qui suit l'année d'après, Fulfillingness' First Finale, est dans la bonne lignée, mais marquera quand même moins les esprits... Alors Stevie ne va pas s'arrêter là... Il va en découdre une bonne fois pour toutes. La solution ? Un double album. Une enculade de chansons faites pour devenir des tubes, des merveilles mélodiques et symphoniques. Avec, qui dit mieux... un disque bonus ! Un troisième disque ! Un EP quatre titres comportant des morceaux qui n'ont pas pu aller sur le double original faute de place... Tout cela sort en 1976. Nous sommes arrivés à destination: l'infernale spirale orangée de Songs In The Key Of Life. Un double album et demi, comme l'avait fait George Harrison avec All Things Must Pass... 21 chansons à tomber par terre, qui marquent l'aboutissement absolu de Stevie. Vous êtes tristes, et vous recherchez le paradis sur Terre ? Ne cherchez plus: il faut juste débourser 22 euros (oui, l'album n'est pas donné !), et vous avez 100 inlassables minutes de paradis sur Terre.

Chaque musicophile trouvera son compte dans Songs In The Key Of Life. Là-dedans, Stevie mêle soul (Love's In Need Of Love Today, Joy Inside My Tears), funk (I WishBlack Man) ou pure pop (Isn't She Lovely, Ebony Eyes). Le grand public y trouvera même son compte avec cette avalanche insensée de tubes: Sir Duke, I Wish, Pastime Paradise, Isn't She Lovely, Another Star... Oui, ce disque est un best-of à lui tout seul. Et comme cette chronique commence à prendre une sérieuse tournure de 'publicitaire voulant absolument vendre sa camelote', passons direct au track-by-track !

Pour faire entrer l'auditeur dans les "chansons de la clé de la vie", Stevie n'y va pas par quatre chemins et a choisi de faire directement chialer celui qui écoute, avec les 7 minutes féériques de Love's In Need Of Love Today. Le morceau (et l'album) s'ouvre sur des choeurs à filer les frissons, et quand la voix de Stevie démarre, c'est un billet direct pour un autre monde. La chanson, dans un pur style soul, est répétitive, mais on ne s'en rend franchement pas compte: tout fonctionne à merveille, la chanson passe comme une lettre à la poste... Une ouverture extraordinaire, fantastique. A faire briller et pâlir les yeux... Tirés du monde où nous sommes, nous voici devant Have A Talk With God. Vraiment bizarre que ce titre soit le second du disque entier, car il s'agit, en plus du plus court, du plus space, du plus enlevé. Cette chanson aux accents électro quasiment avant-gardistes n'a rien à voir avec les autres de l'album. Mais elle ne fait pas tâche pour autant, son côté sombre la rend fascinante, et encore une fois, cette merveille passe trop vite. Mais avec Village Ghetto Land, on rentre dans le lourd. Mais alors, le trèèèèèès lourd... Cette chanson est ahurissante de bauté et de maîtrise. Portée par des cordes, ce qui rend l'ensemble très "musique de chambre", Village Ghetto Land n'est rien de plus qu'un monstre. Un monstre engagé, qui parle de la misère. Stevie aura rarement aussi bien chanté que là-dessus. Le résultat est phénoménal, beau, monstrueux. Une des plus belles chansons de l'album, et de Stevie en général ! Ca commence bien !

On est reparti de plus belle avec un nouveau monstre. De toute façon, qulle chanson de cet album n'est pas un monstre ? Ici, il s'agit de Contusion. Un instrumental quintessentiel. Une sorte de jazz/funk endiablé, avec un riff inoubliable, qui fait se pousser des ailes à l'auditeur. Ou un deuxième trou au cul. Ou les deux. Là, le mot génie n'est pas usurpé, tout le talent de Stevie est résumé dans cet instrumental magistral. Enfin, la face A se terminait sur un classique absolu, un tube même, j'ai nommé Sir Duke, un hommage à Duke Ellington (alors mort il y a peu: les hommages viendront de partout, Miles Davis lui dédiera même un morceau de... 32 minutes !), et au jazz de manière générale. Cette intro de saxos est cultissime, tout comme le refrain. Sir Duke est une chanson entraînante née pour être un tube. Et on a vu ce que ça a donné: une des plus grosses machines à fric de Stevie Wonder ! Mais quelle machine !

La face A est tellement réussie que le reste n'a pas intêret à décevoir... Mais penser que Songs In The Key Of Life peut s'avérer décevant, c'est penser l'impensable. Preuve en est avec I Wish. Une chanson un peu oubliée de nos jours, mais qui fut à l'époque un sacré tube. Etant donné qu'il arrive après un autre gros tube, l'album commence à prendre une dangereuse ampleur... Mais I Wish est une cavalcade funk/pop magistrale, portée par un Stevie en grande forme. Impossible, en écoutant ça, de rester assis et calme... On est logiquement en sueur à la fin des quatre minutes de cet intense morceau qui fait se trémousser partout. Comme quoi, morceau qui fait se trémousser partout ne veut pas forcément dire merde innommable... Très loin de là ! Changement radical de style quand arrive Knocks Me Off My Feet. Une bien belle ballade embellie par le piano de Stevie. Sans être l'une des plus grandes chansons de l'album, Knocks Me Off My Feet reste superbe.

Troisième titre de la face B, troisième tube de l'album. Dès l'intro, tout le monde aura évidemment reconnu Pastime Paradise. Une chanson qui, 20 ans plus tard, sera davantage connue dans sa version 'massacre' par le rappeur Coolio. Bon, j'exagère, il y a pire, comme reprise, mais franchement, faire une version rap de Pastime Paradise était une occupation peu concluante et franchement au summum de l'inutilité... Une telle chanson ne méritait pas ça... Car, dans la version originale, tout est parfait et trop court: le chant de Stevie est divin, l'ensemble est élevé par des percus géniales. Pastime Paradise est un classique instantané, une de mes préférées absolues de l'album. Une chanson magistrale et qui reste longtemps dans la tête... Ainsi soit-il pour Summer Soft. Ici, c'est également la perfection absolue. Je vais être franc, Summer Soft est quasiment ma chanson préférée de tout Songs In The Key Of Life... Quasiment, car juste derrière As, que nous verrons plus tard... Summer Soft bénéficie d'une prouesse mélodique incomparable face à laquelle tous les poils se hérissent... Le final, tout en augmentation vocale, en devient presque haletant, fout des frissons... Je ne vois même plus quoi dire car cette chanson est au-delà des mots. Une des plus grandes de tout Stevie Merveille, tout simplement !

Et alors, Stevie... Au point où on en est, on va pas se gêner, hum ? On va terminer le premier 33 tours de Songs In The Key Of Life en beauté. C'est rien de le dire ! Encore un sommet, encore une chanson indescriptible, encore Stevie à son meilleur, c'est ce que l'on se dit lorsque commence à résonner Ordinary Pain. 6 minutes. Six putain de minutes commençant avec la belle voix de Stevie, qui se fait tout à fait calme. Au début, Ordinary Pain n'est qu'une jolie ballade bien plaisante et belle pour les tympans. Au début ! Car aux alentours de 2'30, la chanson devient tout autre, se métamorphose entièrement, et Ordinary Pain devient du tout au tout un funk insensé, incroyable. Dans cette deuxième partie, Stevie ne chante pas, pour laisser la place à Shirley Brewer, une chanteuse qui se débrouille manifestement très bien, et parvient à pimenter encore plus la chose... Ordinary Pain est encore plus fameux qu'une choucroute un soir d'hiver, c'est une chanson quintessentielle, à l'image même de Songs In The Key Of Life.

Début du disque 2, début de la face C. Seulement trois titres ornent cette face, on passe donc à des morceaux considérablement plus longs... Et cela s'ouvre sur le gros, gros, gros, gros (continuer jusqu'au coma) tube absolu du disque. Isn't She Lovely. Bon, j'vais pas vous la faire, hum, tout le monde connaît cette chanson ? Rassurez-moi... Un pur bijou pop écrit pour la fille de Stevie, alors toute bébé et toute lovely, car il vaut mieux ça que "isn't she ugly"... La chanson, véritablement mythique et, je me répète, connue de tous, est ici dans sa version longue, de plus de six minutes. En quoi consiste le rallongement ? En un solo d'harmonica inoubliable de Stevie, sur lequel viennent se poser des gimmicks sonores très sympas, enregistrements de la fille de Stevie en train de barbouiller dans la flotte. Ce rallongement est sans doute un petit peu longuet par rapport à la version single, mais pas non plus de quoi crier au scandale ! Dans l'ensemble, un vrai gros tube, totalement immortel. Joy Inside My Tears est tout de suite moins gaie. Ici, on est dans un pur moment de soul music, accentué par des synthés omniprésents mais pas dérangeants. Une chanson tout à fait sublimissime. Le final ad vitam aeternam est très réussi, pas le temps de s'ennuyer une seule seconde... On se rendra vite compte que Joy Inside My Tears était le moment reposant de la face C... Car direct après arrive le pilier absolu de l'album niveau durée, les huit minutes ahurissantes de Black Man. Du pur et immense funk. J'ai dit, tout à l'heure, à propos de I Wish, qu'on en sortait en sueur, mais ce n'est rien à côté de Black Man... Une chanson plutôt engagée sur l'égalité des peuples: Stevie cite les découvertes et inventions des grands hommes et grandes femmes du monde entier, souvent noirs, mais aussi blancs ou jaunes... Une énumération qui vient en fait signifier que tous les peuples ont oeuvré pour le bien de l'humanité, et pour la découverte... Un message anti-rasciste qui fait toujours son effet, même si un peu vieillot... Côté musical, c'est tout simplement miraculeux. On est dans du funk endiablé rarement égalé. Stevie est au sommet le plus absolu. Black Man est un moment culte et inlassable. Tellement qu'au bout des 8'30 que le morceau dure, on se dira toujours "merde, c'est déjà fini... ?" !

Le message pour l'égalité des peuples repart de plus belle au début de la face D, avec Nguiculela/Es Una Historia/I Am Singing. Pas un medley, il ne s'agit que d'une seule et même chanson ! Mais chantée en anglais, espagnol et... zoulou ! Sur une instru remarquable, très exotique. Une superbe chanson méconnue, mais franchement géniale. Place à l'incartade douce et reposante, presque romantique, avec If It's Magic. Il est vrai que cette chanson a un côté très légèrement gomme, ce qui lui vaudra d'être parfois décriée. Personnellement, je la trouve, comme les autres, immense. Le truc fonctionne à merveille, la voix de Stevie fait l'objet d'un diamant brut, sur une harpe très belle. Un superbe titre, bien reposant et frais.

Sans transition, tel PPDA... Car voici qu'arrive, accrochez-vous bien, le sommet absolu de l'album, le sommet absolu de Stevie Wonder. LA chanson. De quoi je parle ? Des sept minutes fantastiques de As. Et là, face à un tel joyau, le silence se fait. Quel putain de chef d'oeuvre, que voulez-vous que je vous dise de plus... ? Et c'est rien de le dire, que c'est un chef d'oeuvre, étant donné que vous remarquerez que, jusque-là, dans cette chronique même, tout l'album a été encensé. Alors il est forcément difficile de parler de son sommet absolu, non ? As, oscillant entre émotions diverses, est la quintessence absolue... Refrain grandiose, un Stevie qui se met subitement à hurler comme un bon gros bluesman... Cette chanson est la magnificence totale d'une oeuvre colossale. Sincèrement, que dire de plus ?? A part peut-être ces deux mots: écoutez-là !

Difficile de passer après un tel sommet... C'est déjà la fin du deuxième 33 tours, et il faut bien une grande finale époustouflante, non ? Hé bien, comble de l'impossible, Stevie y parvient, avec les 8 minutes géniales et dansantes de ce qui peut-être considéré comme le cinquième tube de l'album, Another Star. Là, Stevie se fait latino, salsa même ! Un rythme très brésilien orne ce classique. Le refrain, cultissime avec ses choeurs en puissance, sera repris à toutes les sauces (je parle en connaissance de cause: j'ai entendu un honteux massacre l'autre jour à la radio...). Another Star est un grandiose et immense final, à écouter absolument (mais comme tout l'album, de toute façon !).

Maintenant que nous avons épluché les deux 33 tours dans leur intégralité, passons maintenant à l'EP bonus ! Un EP justement nommé A Something's Extra Record. Quatre titres bonus, pour un disque au milieu entre le 45 et le 33 tours, s'écoutant à la vitesse 33 tours. En fait, c'est un 25 cm, un format de disque précurseur du 33 tours, et qui était beaucoup utilisé dans les années 50. A Something's Extra Record est tout simplement une pépite de plus, désormais placé, dans le format CD de Songs In The Key Of Life, à la suite du CD 2, à la suite de Another Star. Le premier des quatre morceaux est une merveille absolue, plongeant dans la soul/pop. Saturn est tout simplement... magnifique. D'ailleurs, c'est franchement une honte que ce morceau n'ait pas trouvé de place parmi les deux 33 tours. Le sommet du troisième disque ! Ebony Eyes est dans la même trempe que Isn't She Lovely, c'est-à-dire, une chanson très rafraîchissante, pop, qui ne prend pas la tête. Pas inoubliable, mais franchement sympa ! All Day Sucker est un funk génial et entraînant à la Black Man, qui aurait lui aussi pu trouver sa place parmi les deux 33 tours... Le meilleur morceau de l'EP avec le sublimissime Saturn. Enfin, tout se clôt sur un instrumental, j'ai nommé Easy Goin' Evening (My Mama's Call). Un instrumental un peu déglingué, très lent, porté par l'harmonica de Stevie. Certains voient en ce titre le point faible de Songs In The Key Of Life... Ce n'est pas faux. Bon, cet instru n'est pas à chier, hum ? Mais tout de même, après tout ce que l'on vient de se prendre dans la gueule, ça fait un petit peu laisser aller. C'est d'autant plus dommage que ce titre est le dernier... Mais, rien de très grave non plus !

Voilà, en ce qui concerne Songs In The Key Of Life, j'ai rempli mon humble tâche de chroniqueur amateur des bas-fonds... Un titre en dessous du reste (le dernier), mais le reste est fabuleux, fantastique, immense, grandiose, monumental, impérial, géant, merveilleux, génial, grandissime... bandant, bref, tétanisant de maîtrise et de génie. Vous en connaissez beaucoup, vous, des albums de cette trempe, qui dégagent une telle maîtrise musicale, qui sont de telles prouesses mélodiques ? C'est absolument impensable de nos jours de se dire qu'une pareille Oeuvre d'Art a été écrite, composée, interprétée, produite et arrangée par un gars de 26 ans, et, qui plus est, aveugle... Face à ça, l'évidence se fait, Stevie Wonder, qui a malheureusement gâché ses talents et n'est plus que l'ombre de lui-même aujourd'hui, a été pendant quelques années, le génie le plus absolu de la musique moderne. 11 ans plus tard, Prince, digne successeur de Stevie, réalisera le Songs In The Key Of Life des années 80, le double chef d'oeuvre Sign O' The Times. Mais ce disque, tout imposant et novateur qu'il est, ne parviendra quand même pas à faire oublier la spirale orange. Une spirale orange qui hante encore n'importe quel musicophile 35 ans plus tard. On ne peut pas savoir à quoi ressemblera la musique dans 500 ans ou 1000 ans, mais on peut d'ores et déjà savoir que Songs In The Key Of Life fait partie de ces oeuvres qui résisteront au temps et à la nouveauté pour des siècles et des siècles...

DISC 1

1. Love's In Need Of Love Today (7.05)

2. Have A Talk With God (2.43)

3. Village Ghetto Land (3.25)

4. Contusion (3.47)

5. Sir Duke (3.54)

6. I Wish (4.18)

7. Knocks Me Off My Feet (3.38)

8. Pastime Paradise (3.27)

9. Summer Soft (4.28)

10. Ordinary Pain (6.27)

DISC 2

1. Isn't She Lovely (6.35)

2. Joy Inside My Tears (6.30)

3. Black Man (8.29)

4. Nguiculela/Es Una Historia/I Am Singing (3.56)

5. If It's Magic (3.12)

6. As (7.08)

7. Another Star (8.27)

A SOMETHING'S EXTRA RECORD

1. Saturn (4.54)

2. Ebony Eyes (4.16)

3. All Day Sucker (5.05)

4. Easy Goin' Evening [My Mama's Call] (3.56)

7 août 2011

George Harrison - "All Things Must Pass" (1970)

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Mai 1970, le monde du rock tombe en dépression: Paul McCartney annonce que les Beatles, c'est fini. Pourtant, 1970 est une année qui réussit quand même aux Beatles, puisque chacun va faire ses prouesses en solo. John Lennon abandonne ses conneries conceptuelles avec Yoko Ono pour se consacrer à nouveau à de la vraie musique, et sort son chef d'oeuvre Plastic Ono Band. Paul McCartney, en tant que grand faiseur de tubes, séduit directement le grand public avec son premier album éponyme, qui contient le tube  Maybe I'm Amazed. Ringo... euh... reste Ringo. Mais malgré le chef d'oeuvre de Lennon, c'est véritablement George Harrison, mon Beatle préféré, qui tire son épingle du jeu, en sortant en 1970 un des plus beaux albums de l'histoire de la musique enregistrée, All Things Must Pass. De très loin son meilleur disque (malgré l'excellent Living In The Material World de 1973), le meilleur disque d'un ex-Beatle en solo, et un des meilleurs disques de l'histoire du rock. Particularité pour cette oeuvre: elle est double, et en plus, elle est vendue à l'époque avec un disque bonus (exactement comme fera Stevie Wonder plus tard avec Songs In The Key Of Life). Cet album bonus, c'est une sélection de jams studio, d'impros, enregistrées avec Eric Clapton, Bobby Whitlock, Carl Radle et Jim Gordon, c'est-à-dire la quasi-intégralité de Derek And The Dominos (il manque juste Duane Allman).

Mais revenons au double original, constitué de 18 véritables chansons produites pas le fou furieux (mais vraiment, au sens propre, d'ailleurs, il est actuellement en taule pour meurtre) Phil Spector et son fameux mur du son. Déjà, la pochette est marquante et très amusante. Harrison au milieu de nulle part, avec autour de lui quatre nains de jardin, qui représentent évidemment les Beatles. L'édition CD propose trois autres visuels avec la même photo, mais subissant les effets du temps: usine, HLM, centrale nucléaire... All Things Must Pass. On achèterait presque l'album pour la pochette. Pour savoir ce qu'il en résulte, de cette photo. Autant le dire, celui qui achète le disque juste pour la pochette... ne sera pas déçu. Pire, il va se prendre une des plus grosses claques musicales de toute sa vie. Tout démarre avec I've Had You Anytime, une chanson écrite avec... Bob Dylan ! Hyper planante, reposante, cete ballade d'ouverture magnifique. On est direct face à un sommet que l'on se prend en pleine poire. La beauté est telle qu'elle en coupe la respiration. Une des plus belles chansons de l'album, et, bien qu'il en reste 17, on a du mal à ce remettre de ce titre d'ouverture tout simplement au-delà des mots. Mais toute la face A est au-delà des mots. La preuve avec My Sweet Lord. Bon, celle-là, c'est un tube. Tout le monde la connaît, mais on ne s'en lasse pas: chaque écoute de cette chanson est un pur bonheur auditif, jamais la guitare d'Harrison n'a semblé aussi belle. Hare krishna est le mantra de cette merveille insurpassable, un des grands sommets absolus de l'album.

Plus rock est Wah-Wah, où, sur le coup, la production de Spector fait un peu 'too much'. Le morceau est inutilement cacophonique dans son final. Après, ça reste une sacrée chanson, encore un sommet, qui reste longtemps dans la tête et avec lequel on n'a qu'une envie: le remettre. Je n'ose imaginer ce que cette chanson donne en live (malheureusement, c'est un peu tard pour voir Harrison en concert...). Mais la version studio, elle, est magistrale, même si elle aurait merité un peu moins de mur du son Spectorien. La face A se termine avec un classique absolu, une chanson mythique et indémodable. Les sept minutes de Isn't It A Pity. Inutile de le préciser pour ceux qui connaissent le disque: cette chanson, reprise en fin d'album, et le pilier absolu du disque, le pinacle total de All Things Must Pass. Sept minutes (pour la première version) qui se passent de commentaires. D'ailleurs, je n'en ferai pas, tant cette chanson est un diamant brut que tout le monde doit écouter au moins une fois dans sa vie.

Difficile de passer après une telle face A. Pourtant, la suite des hostilités est grandiose. La face B s'ouvre en fanfare avec l'entraînant What Is Life, qui fut un petit tube à l'époque. Une chanson qui a, justement, toute l'envergure du tube. C'est une chanson entraînante, qui ne prend pas la tête et demeure sympa au possible. Une très bonne ouverture de face, qui prouve que Harrison savait y faire dans tous les domaines musicaux (Isn't It A Pity étant plutôt calme et pas spécialement joyeuse). Puis, le passage country du disque, avec deux titres à la mélodie un peu country, très reposants et agréables à défaut de faire partie des meilleures de l'album. If Not For You est signée Bob Dylan, et c'est normal, puisqu'il s'agit d'une reprise du barde. La version originale est sortie la même année, sur le médiocre New Morning, qui prouve qu'au début des années 70, Dylan était vraiment au creux de la vague. La version d'Harrison est meilleure en tous points, et est franchement un bon moment. Behind That Locked Door est de la même trempe, très sympa, même si ne faisant pas partie des meilleures du disque.

En revanche, Let It Down, elle, est immense. Mais alors, immense. D'apparence, c'est plutôt calme, zen. Du moins les couplets. Car les refrains, bouillants et énervés, remplis de cuivres qui semblent transpirer leurs accords, sont le réveil glacial de la chanson. Tout le génie de George Harrison est prouvée à travers cette chanson décapante et magistrale, un des tous meilleurs moments de All Things Must Pass. La face B (et donc, le disque 1) se refermait sur Run Of The Mill, un morceau très pop, frais et agréable, qui ne promet que le meilleur pour la deuxième partie.

Une deuxième partie s'ouvrant sur un morceau déchirant. Beware Of Darkness est un sommet. Un sommet lacrymal, à ne pas écouter quand on a le blues, car ça ne vous aidera pas à aller mieux. Une des plus belles chansons de l'album, un passage déprimant, aussi, mais magnifique. Apple Scruffs remonte le moral. Chanson acoustique, un peu 'sur le vif', champêtre dirons-nous, c'est un morceau très joyeux sans pour autant tomber dans le gonflant. La face C alterne vraiment entre morceaux enjoués et morceaux plus mélancoliques dans l'âme. Ballad Of Sir Frankie Crisp (Let It Roll) se rapproche un peu du morceau d'ouverture. On retrouve ce même côté planant qui empêche la chanson de finir en simple chanson pop. Ce style typiquement Harrisonien et qui a inspiré quantité de groupes, notemment pour le mouvement britpop (The Verve, Blur, Oasis, Radiohead...) sera surnommé la Krishna pop. Ballad Of Sir Frankie Crisp (Let It Roll) est d'une magnificence absolue. Un chef d'oeuvre en hommage à Frankie Crisp, un ancien habitant du manoir dans lequel vivait Harrison. Awaiting On You All, totalement enjouée, souffre du syndrome Phil Spector. Ici, clairement, trop de production. Le mur du son vient gâcher. La chanson en elle-même est excellente, mais la production est 'over the top' avec tous ces cuivres (ça fait vraiment grosse fanfare !)... Awaiting On You All n'en demeure pas moins très bonne. Mais la production fonctionne mieux avec les titres planants, et c'est clairement ce qui est prouvé avec le titre éponyme de l'album, All Things Must Pass. Cette chanson est clairement du niveau d'un Isn't It A Pity ou Beware Of Darkness. C'est-à-dire une pure merveille mélodique, interprétée par un Harrison plus que jamais ruisselant de génie. Ce morceau mérite amplement son titre éponyme, un titre un peu lourd à porter parfois, car c'est sur celui-là que l'auditeur fonde tous ses espoirs...

La face D démarre avec le morceau le plus Beatlesien du lot, un titre qui aurait pu se retrouver sur le White Album, voire sur Abbey Road. Ce titre, c'est I Dig Love. Une prouesse mélodique un peu sombre, un peu Lennonienne, même. La chanson est un tantinet longuette (elle aurait été meilleure raccourcie d'une minute) mais demeure un grand moment. De toute façon, quelle chanson de All Things Must Pass n'est pas un grand moment ? Tiens, en parlant de grands moments, Art Of Dying tombe à pic. Des riffs géniaux, une section rythmique du tonnerre de Dieu, cette chanson est l'une de mes préférées du disque. C'est très subjectif, car il y a mieux, sur All Things Must Pass, mais Art Of Dying, contrairement à ce que son titre laisse penser, est immortelle. Comme tout l'album, d'ailleurs.

Harrison a décidément tout prévu... Peut-être avait-il peur que l'auditeur oublie cette face A absolument merveilleuse arrivé au bout de l'album ? Donc, il a vraiment tout prévu en sortant une deuxième version du sommet culminant du disque, Isn't It A Pity (Version Two). Une version considérablement raccourcie (deux minutes de moins), plus sobre musicalement. Moins grandiose que la première, on s'en serait douté, mais cette deuxième version ne semble pas pour autant être du remplissage, et elle augmente le plaisir d'écoute du disque. Mais il faut un final détonnant, après tout ce que l'on vient de se prendre dans la tronche. Et là, encore, Harrison a tout prévu. Hear Me Lord est... comment dire... féérique !? Je ne sais pas si le mot est assez fort... Toujours est-il que cette chanson referme le disque sur une note absolument titanesque, digne de l'album lui-même. Une grande fin.

Je ne m'attarderai guère sur le disque bonus de jams (qui, je le rappelle, était vendu avec le vinyle original, pas de simples bonus CD), qui est pour tout dire, furieusement inégal. Bon, il faut à tout prix écouter Out Of The Blue, une cavalcade insensée de 11 minutes, un titre extraordinaire digne du meilleur de Clapton. Mais durant tout le reste de ces bonus... on s'emmerde un peu. Ce n'est pas spécialement mauvais, c'est juste moyen et férocement inutile par rapport au reste de l'album. C'est pourquoi il vaut mieux en rester aux 18 chansons des deux premiers disques, qui sont toutes horriblement fabuleuses, fantastiques. All Things Must Pass, c'est ça, c'est un enchaînement jamais ennuyeux de chansons toutes plus monumentales les unes que les autres. Un chef d'oeuvre absolu dont on ressort les larmes aux yeux, car tant de beauté est difficilement supportable pour un seul être humain.

DISC 1

1. I've Had You Anytime (2.57)

2. My Sweet Lord (4.37)

3. Wah-Wah (5.35)

4. Isn't It A Pity (7.08)

5. What Is Life (4.22)

6. If Not For You (3.27)

7. Behind That Locked Door (3.05)

8. Let It Down (4.57)

9. Run Of The Mill (2.51)

DISC 2

1. Beware Of Darkness (3.48)

2. Apple Scruffs (3.04)

3. Ballad Of Sir Frankie Crisp [Let It Roll] (3.46)

4. Awaiting On You All (2.45)

5. All Things Must Pass (3.44)

6. I Dig Love (4.54)

7. Art Of Dying (3.37)

8. Isn't It A Pity [Version Two] (4.45)

9. Hear Me Lord (5.48)

BONUS DISC (JAMS)

1. Out Of The Blue (11.13)

2. It's Johnny's Birthday (0.49)

3. Plug Me In (3.18)

4. I Remember Jeep (8.05)

5. Thanks For The Pepperoni (5.32)

4 juillet 2011

The Beatles - "Help" (1965)

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Je serai clair: la face A de Help est tout simplement la plus grande face jamais enregistrée par les Beatles. Help est le cinquième opus du groupe. C'est un disque qui survient après le mauvais Beatles For Sale de 1964, où l'on sentait le groupe fatigué de toute cette Beatlemania... Ici, la bande de Lennon est requinquée. Et pour cause, ils viennent de tourner leur second film, réalisé par Richard Lester; une comédie british très drôle et sympa (pour peu que l'on aime l'humour anglais), nommée... Help. Maintenant, vous avez tout compris: l'album dont je vais parler aujourd'hui n'est autre que la BO du film. Enfin... la BO, ce n'est que la face A, la face B réunit des chansons inédites (comme A Hard Day's Night). Autre phénomène marquant: Help, du haut de ses 33 minutes, est le premier chef d'oeuvre absolu du groupe. En effet, With The Beatles et A Hard Day's Night avaient beau être très réussis, il contenaient quand même chacun une ou deux croûtes moisies. Ici, rien à redire, Help est clairement le premier monument intouchable des Scarabées... et surtout pas le dernier !!

Ici, au niveau de l'interprétation, Lennon s'offre pas moins de 6 chansons, c'est-à-dire presque la moitié de l'album. Harrison en a deux, Ringo en a une, Macca a le reste. Et c'est bien Lennon qui ouvre cette orgasmique face A du feu de Dieu, avec le tube éponyme de l'album, j'ai nommé Help. Tout le monde connaît cette chanson, non ? Que dire, à part qu'il s'agit de l'une des plus grandes chansons pop des 60's ? Clairement, le groupe donne le ton de l'album avec cette chanson. Help est très recherchée, une mélodie imparable et un rythme d'enfer, c'est là sa force. Finies les niaiseries des débuts, ici, Lennon s'affirme. Mais le grand gagnant est indéniablement McCartney. Paul a toujours représenté le côté fleur bleue du groupe... Ici, il brise son statut définitivement avec The Night Before. Là, je ne vois absolument pas quoi dire. Immense rock, The Night Before est l'une de mes 5 chansons préférées des Beatles, ni plus ni moins. Le chant de Macca y est parfait (il a rarement aussi bien chanté). Cette chanson fait partie de celles que l'on rêve de composer, de celles que l'on pourrait se passer en boucle des milliers de fois sans s'en lasser... The Night Before est le sommet absolu de l'album, et sera le sommet absolu des Beatles jusqu'à A Day In The Life (1967).

1965 est l'année de deux sublimissimes ballades Lennoniennes: il y a Norvegian Wood (sur le fantastique Rubber Soul), et il y a aussi You've Got To Hide Your Love Away, sans aucun doute un des joyaux de Help. En 2 petites minutes (pourquoi c'est aussi court, bordel ?), cette ballade acoustique des plus monumentales est touchante, attachante. Pour moi, c'est clairement l'une des meilleures chansons de Lennon. Encore un classique Beatlesien, pour ce qui demeure une vraie perle. Mais ne pas parler trop vite, car des perles, il y en a un paquet, sur Help ! La chanson suivante est un monument pop à elle seule, signée de mon Beatle préféré, le regretté George Harrison. I Need You est l'une de ses plus grosses merveilles. Là encore, c'est tout simplement beau, et à écouter. De plus, avec cette chanson, Harrison s'impose comme un magnifique chanteur, et un avant-gardiste sur le rock psychédélique (la guitare sur les couplets, ça fait très psyché, mine de rien !). Après, cette chanson n'est pas psyché, loin de là. Mais pour les raisons que j'ai expliqué...

Another Girl est signée McCartney. Sans doute la chanson la plus faible de la face A, mais ne boudons pas notre plaisir: elle reste quand même sublime. Encore une fois, Lennon s'en tire merveilleusement grâce à You're Gonna Lose That Girl, petite grosse merveille à la mélodie merveilleuse, douce, imparable. Il suffit de ça pour en faire un pur trésor de la pop anglaise de l'époque. Je sais, je dis ça de toutes les chansons de l'album ! Mais allez trouver d'autres arguments... Pas facile, surtout que se pointe l'un des grands sommets de l'album, et par ailleurs le sommet du disque avec bien sûr The Night Before: il s'agit de Ticket To Ride. Bon, tout le monde connaît, et je n'ai pas forcément besoin de m'attarder dessus. Unique chanson de l'album à dépasser les trois minutes (mais de peu), Ticket To Ride ne se présente plus. Riff cultissime, Lennon qui fait des merveilles. Cette chanson est tout simplement monumentale, grandiose, immense. Magnifique pour clôturer la face A.

Difficile de passer après une telle claque; que va donner la face B ? C'est quitte ou double. Mais fort heureusement, la face B, sans être aussi puissante que la A, s'en tire franchement bien également. Malheureusement, ses premiers sillons sont ceux de Act Naturally. Une des deux reprises de l'album. Interprétée par l'affreux Ringo (dixit Homer Simpson). Bon, ce n'est pas mauvais, loin s'en faut, mais ça reste quand même redoutablement mineur et décevant par rapport à la leçon d'humilité musicale que l'on s'est pris avec la face A. Meilleur que cette nazerie de What Goes On sur l'album suivant, mais tout de même mineur. De toute façon, il faudra attendre 1969 pour avoir enfin une bonne chanson des Beatles avec Ringo au chant (le génial Octopus's Garden). Alors passons directement si vous le voulez bien, à la patte Lennonienne de la face B. Ca commence avec It's Only Love (rien à voir avec Simply Red !), chanson la plus courte de l'album, avec moins de 2 minutes au compteur. Et on regrette que ça soit aussi court: cette douceur à la Zombies montre l'étendue des talents de Lennon. Franchement excellent. Puis ce You Like Me Too Much de Harrison, dans le plus pur style Beatlesien, qui commence de manière très bluesy mais s'avère être du Sacarbée traditionnel de l'époque. Pas une des meilleures de l'album, mais très sympa quand même ! Tout comme ce superbe (bien qu'un peu pompeux au niveau des choeurs) Tell Me What You See, qui débute une triplette McCartienne.

Macca s'offre une chanson aux accents country avec I've Just Seen A Face (au niveau des titres de chansons, elle semble être la suite directe de Tell Me What You See: volontaire ?). Sympa comme tout, ce morceau de deux minutes que je ne pouvais pas blairer au début, mais auquel on s'accoûtume au bout d'un moment ! Et alors là... Bah oui, alors là... Arrive LE tube des Beatles par excellence, la chanson qui fait de l'ombre. Je parle de Yesterday. Vous vous attendiez pas à ça, hum ? Pourtant, Yesterday est bel et bien sur Help. Que dire sur ce chef d'oeuvre McCartien qui n'a pas déjà été dit 10 000 fois ? Bon, on l'a sûrement trop entendue, n'empêche que Yesterday est toujours aussi sublime 45 ans après, elle n'a pas vieilli d'un poil... Bon, pas ma préférée de McCartney ni de l'album (The Night Before, bordel de Dieu !!!), mais force est de reconnaître le côté intemporel de ce tube. Enfin, Lennon achève merveilleusement bien le disque avec la deuxième reprise, celle d'un classique absolu du rock'n roll, Dizzy Miss Lizzy. Rien à dire, c'est juste immense pour terminer. Clairement, Help se clôt sur l'un de ses moments forts !

Au final, Help, c'est une face B très belle et sympa comme tout, mais c'est aussi et surtout la face A. Je le redis, cette monstrueuse face A est pour moi la plus grande face de toute l'histoire des Beatles, pour The Night Before, mais aussi pour I Need You, Ticket To Ride... Une claque mélodique sans précédent, qui a sûrement inspiré les Zombies pour leur monument Odessey And Oracle, mais aussi bien d'autres groupes. Avec Help, les Beatles s'affirment, et sont au sommet de leur forme, à leur nirvana, pour la première fois. Ils resteront comme ça jusqu'à la fin. Comprenez donc à quel point Help est un album charnière, fédérateur et monumental.

1. Help (2.18)

2. The Night Before (2.33)

3. You've Got To Hide Your Love Away (2.08)

4. I Need You (2.28)

5. Another Girl (2.05)

6. You're Gonna Lose That Girl (2.17)

7. Ticket To Ride (3.10)

8. Act Naturally (2.29)

9. It's Only Love (1.54)

10. You Like Me Too Much (2.35)

11. Tell Me What You See (2.34)

12. I've Just Seen A Face (2.03)

13. Yesterday (2.06)

14. Dizzy Miss Lizzy (2.56)

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